Page:Sully Prudhomme - Œuvres, Poésies 1878-1879, 1886.djvu/78

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ment en ce qui concerne la nature intime, la substance des objets et que, jusqu’à présent, elle n’est pas même en état de prononcer sur leur distinction substantielle, bien qu’elle les perçoive comme des groupes distincts de phénomènes.

Quant aux autres questions touchant la cause, les conditions et le but de tout objet, nous avons aussi à nous demander dans quelle mesure elles sont légitimes et solubles.

Remarquons d’abord qu’elles se posent à l’occasion et sur les données de l’expérience externe, mais qu’elles ne sont pas imposées par celle-ci. Nous ne percevons en effet que la contiguïté, la succession ou la simultanéité de nos sensations ; tout ce que nous pouvons en conclure, c’est que tels groupes de sensations sont toujours précédés, accompagnés ou suivis de tels autres, mais il n’en résulte en aucune façon qu’ils soient raison d’être, c’est-à-dire cause et fin les uns des autres, Aucune idée de puissance ni de communication de mouvement ne peut sortir de la seule coordination de nos sensations, si l’expérience interne ne puise dans les forces qui constituent notre propre activité les types des moteurs extérieurs du monde perçu. De là les concepts de la cause, du comment et du pourquoi des objets, de là le mouvement de curiosité. Nous avons maintenant à examiner ce fait, pour nous rendre compte de la portée et de la légitimité des questions que nous adressons à la nature.

C’est tout d’abord un fait bien remarquable, quoique trop habituel pour être frappant, que ce fait seul de la curiosité. D’où vient que chaque objet perçu est pour nous un problème ? En vertu de quel besoin, de quelle exigence de l’esprit, la perception que nous en avons nous semble-t-elle incomplète ? Voici un arbre, d’où vient que notre esprit outre-