Page:Sully Prudhomme - Œuvres, Poésies 1878-1879, 1886.djvu/92

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car elles sont réductibles à un jugement analytique et ne diffèrent de tout autre jugement que par la simplicité qui les rend immédiatement intelligibles. Elle se contente d’observer comment un phénomène est déterminé par d’autres qui le précèdent ou l’accompagnent, quelles sont ses conditions d’existence et non plus quelles sont ses causes, car elle a reconnu que les prétendues causes étaient simplement elles-mêmes des phénomènes déterminés et non point des puissances particulières capables de se déterminer à l’action pour modifier leur milieu, comme paraît le faire notre propre activité d’où nous tirons l’idée de cause, La science abandonne aussi peu à peu l’axiome de finalité, elle conçoit l’ordre du monde comme un équilibre résultant subséquemment de la concurrence et de l’opposition des forces, mais non plus comme une harmonie préétablie en vue de laquelle les forces auraient été mesurées et proportionnées ; étant données des forces quelconques, n’agissant que pour agir, pour persévérer respectivement dans leur essence, de leur rencontre résultera nécessairement un système, soit équilibré, soit en voie d’équilibre, qui ne différera en rien d’un système prémédité dont les forces auraient été calculées pour l’harmonie obtenue, car dans les deux cas l’équilibre ou l’ordre n’existera qu’aux mêmes conditions ; donc, pour connaître les rapports qui constituent l’état actuel du monde, ces rapports étant identiques dans l’une ou l’autre hypothèse, il est superflu d’introduire dans une pareille recherche la préoccupation d’une fin ; la fin ne serait utile à l’étude des rapports que si elle pouvait être connue avant eux, chose impossible puisqu’elle ne se définit que par eux. La fin nous est utile pour juger nos actes volontaires, parce que nous la posons nous-même avant d’agir, et nous jugeons nos actes par leur con-