Page:Sully Prudhomme - Œuvres, Poésies 1879-1888.djvu/172

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______A tes bercements, à tes bonds
______Livré, sans crainte je chevauche…
______Ah ! quelle enivrante débauche
______D’essors et d’élans vagabonds !

______En avant ! presse ton allure !
______De ma bien-aimée au front clair
______Se déroule en ruisseau dans l’air
______L’étincelante chevelure ;

______L’air en chasse les flots mêlés,
______Dont je sens le baume et la soie :
______Son corps abandonné se ploie
______Au rythme de tes pas ailés,

______Et dans ses grands yeux pers se mire
______Des pays que nous traversons
______Et de leurs fraîches floraisons
______L’éternel et changeant sourire !

______En avant ! cours ! ce monde est grand.
______Fends la mer subtile où je nage,
______Dussé-je, épuisé du voyage,
______Ne l’achever qu’en expirant ! —

Le docile animal, lancé sans frein ni rêne,
Joyeux sous le beau couple, éperdument l’entraîne,
Effleurant les cours d’eau, les forêts et les monts.
Les plateaux et les pics, et les vallons profonds.