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Page:Sully Prudhomme - Œuvres, Poésies 1879-1888.djvu/178

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Mais, dans toutes ces fleurs qu’en tes mains je rassemble,
Sans doute il en est une où le sol a formé
De ses sucs précieux l’odeur qui me ressemble,
Qui partage avec moi le caractère aimé :

Faustus, que sa vertu lentement te pénètre,
Par tes nerfs caressés envahisse ton cœur !
Et tu t’enivreras du plus pur de mon être,
Gagné par une molle et sereine langueur :

Car la félicité que la senteur éveille
Est une pure extase, exempte de frissons,
Moins vive que l’émoi des plaisirs de l’oreille
Où l’âme et l’air troublés vibrent dans mille sons ;

L’odeur suave emplit jusqu’au bord toute l’âme,
Philtre plus vague et plus obsédant que la voix,
C’est une autre musique immobile où se pâme
Une note éthérée, une seule à la fois. —

Faustus, nonchalamment accoudé sur sa couche,
Écoute les leçons de cette jeune bouche
Où la gravité chaste unie à la douceur
Lui promet dans l’amante une divine sœur,
Tandis que tour à tour chaque fleur différente
Lui souffle en le baisant son haleine odorante.