Qu’il m’est doux de venir, après des milliers d’ans,
Vous rendre un filial hommage,
Vous reconnaître, au nom de tous vos descendants
Qui se libèrent d’âge en âge,
Et vous dire qu’enfin les derniers nés d’entre eux
Possèdent la glèbe et les villes
Que fondèrent, au prix d’efforts si douloureux,
Pour vos tyrans vos mains serviles !
Et pourtant plaignez-les, car, des chaînes sauvés,
Ils attendent la paix encore,
Se disputant partout les champs et les pavés
Qu’un sang fraternel déshonore ;
Moins ignorants que vous, moins crédules aussi,
Las des dieux immortels qui meurent,
Ils ont, veufs d’espérance, uniquement souci
Des atomes, qui seuls demeurent ;
Sans gagner le bonheur, ils ont conquis le droit,
Plus tristes, s’ils sont moins barbares,
Et dans leurs champs égaux ils rampent à l’étroit,
Trop nombreux pour les blés trop rares ! —
Ainsi du monde ingrat d’où l’arracha la mort
Faustus à ses aînés dit l’incurable sort.
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