Soudain la conscience, au choc de la raison,
Jette son étincelle, et l’Infini s’éclaire !
Alors, fermant sa porte au brouillard séculaire,
Il rebâtit le monde en sa propre maison,
Où le doute acculé n’a plus trouvé d’asile.
« Enfin, tous las de battre un océan stérile,
Les chercheurs abordaient l’inébranlable sol !
Le prêtre même y dresse en toute confiance
Un contrefort nouveau pour sa vieille croyance,
Et Malebranche y prend son élan pour son vol :
Dieu, c’est l’éternel Vrai sous l’accident qui passe,
C’est de tous les esprits le principe et le lieu,
L’Infini de pensée et l’Infini d’espace ;
Dieu seul fait tout en nous, nous voyons tout en Dieu.
« Bossuet fait crier sous son étreinte forte
Le sphinx mal terrassé ; d’un vin mêlé de miel
Il enivre l’esprit et malgré lui l’emporte
Sur le rayon brûlant qui va du cœur au ciel.
« Fénelon souffle une âme à la dialectique,
Il prête à ce squelette un trépied pour soutien.
Dans ses bras il l’échauffe, avec grâce il applique
À son orbite vide une paupière antique
Où perlent les beaux pleurs du sentiment chrétien.
« La foi n’est dans Pascal qu’une agonie étrange.
On croirait voir lutter Jacob avec son ange :
Il veut passer, quelqu’un lui barre le chemin.
Page:Sully Prudhomme - Œuvres, Poésies 1879-1888.djvu/259
Apparence
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.