Du moins plus de ripaille où le rire sonore
Ose absoudre la dent ; plus rien qui déshonore
L’œuvre fatale de la faim !
O Terre, elle a cessé, l’injure impérieuse
De la race humaine à tes droits !
Insolente à ton tour, tu fais pousser, joyeuse,
Où flottaient les drapeaux, l’aubépine et l’yeuse,
Et les chardons autour des croix !
Ton maître est le Soleil. Celui-là t’apprivoise
Pour ton bien, par l’attrait du jour ;
Tu l’aimes, car c’est lui qui te peuple et te boise ;
Tu hais l’homme, et les fleurs dont l’éclat te pavoise
Fêtent sa mort, non sans retour.
Il revient cependant.
Le couple endormi plane
Tout proche, et la senteur qui, chargeant l’air, émane
Des forêts, leur murmure au bruit des mers mêlé
Et la fraîcheur des vents ont déjà révélé
À ses sens qu’un rappel à la vie émerveille
Ton voisinage vague encore… Il se réveille !
Faustus et sa compagne ouvrent en frissonnant
Au soleil de jadis d’autres yeux maintenant :
Il leur semble d’abord que son jour les éclaire,
Voilé d’un crêpe fin, comme un midi polaire,
Car de l’Éden quitté, là-bas évanoui,
Page:Sully Prudhomme - Œuvres, Poésies 1879-1888.djvu/370
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.