Une floraison folle orne ton front rebelle,
L’ancienne floraison, plus simple et non moins belle,
Qui l’avait d’abord couronné.
Les accrocs insultants dont le soc et la hache
Enlaidissaient ton beau manteau,
L’immense frondaison des forêts les y cache,
L’herbe y couvre le plâtre et sa cruelle tache,
Et le plat baiser du rateau.
Depuis que la Nature a de son puissant geste
Effacé tant d’affronts divers,
C’est ta parure antique et sans fard qui te reste :
L’or de tes sables nus et ta verdure agreste
Et l’azur glauque de tes mers.
Le hasard, non l’apprêt, mêle en ta chevelure
À l’églantine le raisin,
Et tes enfants dont l’homme humiliait l’allure
Heurtent d’un franc sabot, sans gêne à l’encolure,
Ton solide et plantureux sein.
Ils n’ont plus dans leur œil redevenu sauvage
La nuit des longs maux sans espoirs ;
Aucune maladie aujourd’hui ne ravage
Leurs corps luisants sauvés des travaux du servage :
Ils broutent sur les abattoirs.
Et si les carnassiers leur font la chasse encore,
Si le meurtre n’a pas pris fin,
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