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LES CHERCHEURS


A la comtesse Diane


Jadis l’unique objet des plus hardis voyages,
C’étaient d’illustres rapts ou d’opulents pillages,
Des monstres à détruire ou des viols à venger ;
Les conquérants, jaloux d’éblouir leur patrie,
Suspendant le trophée à la poupe fleurie,
Revenaient la main pleine et le cerveau léger.

Plus tard des curieux, pour devenir des sages,
Allant de ville en ville éprouver les usages,
D’une police heureuse ont fait leur toison d’or ;
Puis ce fut l’ère enfin des hautes disciplines,
Dont le culte a poussé sous les volcans les Plines,
Et la vérité pure eut l’appât d’un trésor.

Colomb n’eut de butin que la vérité pure ;
De la terre il surprit seulement la ceinture,
Laissant les rois jouir de sa fécondité ;
Le premier qui du pôle affronta les banquises
Ne courait point chercher dans les glaces conquises
Un climat moins cruel que le climat quitté.