Page:Sully Prudhomme - Œuvres, Poésies 1879-1888.djvu/90

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Le premier qui brava l’aridité des sables,
Sans espoir d’y marquer des pas ineffaçables,
Seulement pour chercher où commence le Nil,
N’eût point pour un Pactole abandonné ses courses,
Mais la soif de savoir, qui pousse l’âme aux sources,
Lui fît, mieux qu’un mirage, oublier le péril.

Et quand, pour y crier l’eurêka d’Archimède,
Montgolfier fend les airs, quel démon le possède
Sinon l’amour du vrai qu’Archimède a senti ?
Goûtant, plus que l’orgueil de se donner des ailes,
Le triomphe annoncé des lois universelles,
La fierté du penseur de n’avoir pas menti.

Tous, obscurs ou fameux, cherchent avec vaillance.
Le plus humble tribut qu’on verse à la science
Souvent pour l’enrichir fait plus qu’il ne parait.
Seul l’avenir en sait le prix et le mérite ;
Aussi, devant l’énigme au front du monde écrite,
Chacun brûle de lire un mot du grand secret.

Comme un python géant caché sous les broussailles,
Quand reluit au soleil une de ses écailles,
Par ce furtif éclair est trahi tout entier,
Le Vrai n’offre de soi nul indice inutile :
Une écaille qui brille au dos de ce reptile
Le livre à ses chasseurs dans son plus noir sentier ;