Page:Sully Prudhomme - Poésies 1866-1872, 1872.djvu/234

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Sur tous ceux dont le sang coula
Pour mes droits et pour mes chimères :
Si tous les hommes sont mes frères,
Que me sont désormais ceux-là ?

Sur le pavé des grandes routes,
Dans les ravins, sur les talus,
De ce sang, qu’on ne lavait plus,
Je baiserai les moindres gouttes ;

Je ramasserai dans les tours
Et les fossés des citadelles
Les miettes noires, mais fidèles,
Du pain sans blé des derniers jours ;

Dans nos champs défoncés encore,
Pèlerin, je recueillerai,
Ainsi qu’un monument sacré,
Le moindre lambeau tricolore ;

Car je t’aime dans tes malheurs,
Ô France, depuis cette guerre,
En enfant, comme le vulgaire
Qui sait mourir pour tes couleurs ;