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réflexions sur l’art des vers

bour et il y conduit. Quant au nombre des syllabes constitutives du vers, il est variable dans des limites qu’on ne saurait fixer. Il suffit que des vers d’un nombre inusité de syllabes plaisent à quelques lecteurs pour que le poète capable de les composer ait sa raison d’être et que ses titres ne puissent lui être contestés, car il n’est justiciable que des lecteurs à qui ses vers s’adressent. Au surplus, ce qui choque d’abord par la nouveauté peut, à la longue, se faire accepter, voire admirer, et, au fond, pour légitimer une réforme, même radicale, de la versification, peut-être n’y a-t-il que des habitudes anciennes de l’oreille à changer. Dans tous les cas, bien des découvertes encore sont très probablement à faire dans la poétique française. » — Cette fin de non-recevoir opposée à toute théorie absolue et arrêtée de l’art des vers, est propre à séduire les jeunes poètes par l’indépendance qu’elle leur assure et qui sourit à la générosité de leur âge. De plus, en sapant la base de toute critique, elle les affranchit d’un gros souci : chaque débutant ne relève plus que de lui-même et de