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Page:Sully Prudhomme - Réflexions sur l’art des vers, 1892.djvu/25

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réflexions sur l’art des vers

ses amis. Ne semblerait-il pas que la plus grande tolérance des écoles entre elles dût résulter de cette émancipation générale ? Il n’en est rien pourtant ; au contraire, elles se conspuent mutuellement, comme si chacune avait juridiction sur les autres, comme si le droit d’exister que chacune s’arroge exclusivement n’était pas, au même titre, dévolu à toutes. Pourquoi voulez-vous donc que Pierre et Paul sentent comme vous, qu’ils empruntent votre oreille ? Chacun prend son plaisir où il le trouve. Pourquoi donc faites-vous un accueil hostile ou dédaigneux à leurs protestations fondées sur le principe même de pleine liberté dont se réclame votre école pour secouer le joug de la tradition ? N’y a-t-il pas une étrange inconséquence à prétendre dogmatiser après avoir ruiné l’autorité du dogme ? C’est que le novateur entend bénéficier seul de la révolution qu’il provoque ; il ne fait table rase que pour élever sa chapelle. Il se déclare seul en possession de la vérité ; mais la formule de ses principes est simplement celle de son tempérament, de sorte qu’il suscite maints débats où il ne peut ni convaincre ni être con-