Page:Sulte - Histoires des Canadiens-français, 1608-1880, tome I, 1882.djvu/116

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
105
HISTOIRE DES CANADIENS-FRANÇAIS

qui est jusqu’où les barques et les chaloupes peuvent monter aisément. » Il l’appela la place Royale. « Ayant donc reconnu fort particulièrement et trouvé ce lieu un des plus beaux qui fut en cette rivière, je fis aussitôt couper et défricher le bois de la dite place Royale pour la rendre unie et prête à y bâtir, et peut-on faire passer l’eau autour aisément et en faire une petite île et s’y établir comme l’on voudra. Il y a un petit îlet, à quelque vingt toises de la dite place Royale, qui a quelques cent pas de long, où l’on peut faire une forte habitation. » L’îlet Normandin est aujourd’hui enfermé sous les quais. « Attendant les Sauvages, je fis faire deux jardins, l’un dans les prairies, et l’autre au bois, que je fis déserter, et le deuxième jour de juin, j’y semai quelques graines qui sortirent toutes en perfection et en peu de temps, qui démontre la bonté de la terre. » Champlain s’occupa aussi d’autres travaux, comme de faire faire de la brique, etc.

Arrivant à l’entrée de la petite rivière (Saint-Pierre), il écrit que, le long de ce cours d’eau, il y a plus de soixante arpents de terre défrichés « qui sont comme prairie, où l’on pourrait semer des grains et faire des jardinages. Autrefois, les Sauvages y ont labouré ; mais ils les ont quitté pour les guerres ordinaires qu’ils y avaient. »

Lescarbot s’exprime ainsi : « Ceux du Canada et Hochelaga, au temps de Jacques Cartier, labouraient tout de même, et la terre leur rapportait du blé, des fèves, des pois, melons, courges et concombres ; mais depuis qu’on est allé rechercher leurs pelleteries, et que pour icelles ils ont eu de cela sans autre peine, ils sont devenus paresseux, comme aussi les Souriquois, lesquels s’adonnaient au labourage au même temps. » Il est probable aussi que les ravages exercés par les Iroquois quelques années avant l’apparition de Champlain sur le Saint-Laurent, donna le coup de grâce à l’agriculture qui s’y pratiquait.

Le Père Le Jeune, écrivant en 1636, disait : « Entre Québec et les Trois-Rivières, les Sauvages m’ont montré quelques endroits où les Iroquois ont autrefois cultivé la terre. » Il nous paraît difficile de fixer l’époque de ces cultures. Le même Père avait écrit, l’année précédente, parlant des Trois-Rivières : « J’allai voir les reliquats d’une bonne palissade qui a autrefois entouré une bourgade, au lieu même où nos Français ont planté leur habitation. Les Iroquois, ennemis de ces peuples, ont tout brûlé ; on voit encore le bout des pieux tout noirs. Il y a quelques arpents de terre défrichée, où ils cultivaient du blé d’Inde. »

Telles sont les seules traces de ces temps reculés : Quelques champs ouverts au travail ; deux ou trois bourgades échelonnées du cap Tourmente au lac Saint-Pierre. Rien de tous cela n’est comparable à la ville fortifiée que Jacques Cartier visita, en 1535, près de la montagne de Montréal. Allant du pied du courant vers l’intérieur de l’île, il est rencontré par quelques Sauvages et converse amicalement avec eux : « Ce fait, dit-il, marchâmes plus outre, et environ demie lieue de là, commençâmes à trouver les terres labourées et belles grandes campagnes pleines de blé de leurs terres (blé d’Inde), duquel ils vivent ainsi que nous faisons du froment. Et, au parmi d’icelles campagnes, est située et assise la dite ville d’Hochelaga, près et joignant une montagne qui est alentour d’icelle, bien labourée et fort fertile… La dite