ville est toute ronde et close de bois à trois rangs, en façon d’une pyramide croisée par le haut, ayant la rangée du parmi en façon de ligne perpendiculaire, puis rangée de bois couché de long, bien joints et cousus à leur mode, et est de la hauteur d’environ trois lances. Il n’y a en icelle ville qu’une porte et entrée qui ferme à barres, sur laquelle et en plusieurs endroits de la dite clôture y a manière de galerie et échelle à y monter, lesquelles sont garnies de roches et cailloux pour la garde et défense d’icelle. Il y a dans icelle ville environ cinquante maisons, longues d’environ cinquante pas au plus chacune, et douze ou quinze pas de large, toutes faites de bois, couvertes et garnies de grandes écorces et pelures des dits bois, aussi larges que tables, bien cousues artificiellement selon leur mode, et par dedans icelles, y a plusieurs aires et chambres ; et au milieu d’icelles maisons y a grande salle par terre, où font leurs feux et vivent en communauté, puis se retirent en leurs dites chambres les hommes avec leurs femmes et enfants. Et pareillement ont greniers au haut de leurs maisons, où mettent leur blé… »
Cette description est celle d’un village huron-iroquois. On a mis en doute l’existence de ce village ; mais le fait que ce récit fut tracé quatre-vingts ans avant que Champlain n’eut visité les Hurons et les Iroquois dans leurs pays, où il trouva les bourgades formées de la même manière, supprime tous les doutes.
« Le capitaine Pontgravé, de Honfleur[1]… homme très-digne de tenir rang parmi les héros de la dite province, pour avoir le premier été au Saut de la grande rivière, après Jacques Cartier, » nous dit Lescarbot, n’en a rien connu, dit-il. Ceci n’est qu’une preuve négative. Mais Lescarbot ajoute que Champlain (1603) ne trouva aucun vestige d’Hochelaga, et que les anciens du pays ne se rappelaient pas l’avoir vue ni en avoir entendu parler. Ces anciens du pays n’étaient peut-être sur le Saint-Laurent que depuis dix ou douze années ; en tous cas, les guerres qui avaient chassé tous les Sauvages des bords du fleuve, après la découverte de Cartier, avaient dû emporter aussi les souvenirs dont nous parlons. D’ailleurs, Lescarbot lui-même croit au récit de Cartier.
Le 5 juin, Savignon et un autre Sauvage partirent pour aller au devant de la flottille qui était attendue par la rivière des Algonquins (l’Ottawa à présent). Ils revinrent, le 9, sans avoir rien découvert ; mais le récit qu’ils firent de l’abondance du gibier, au dessus de l’île de Montréal, décida un homme au service du sieur de Monts, appelé Louis, à aller y faire une course. Ils partirent trois dans un canot : Savignon, Louis et un capitaine montagnais, « fort gentil personnage, » appelé Outétoucos. Après une chasse très heureuse, ils se hasardèrent dans le Saut pour retourner à la place Royale, mais leur canot tourna et Savignon se sauva seul. Le Saut qui, jusque là, n’avait porté aucun nom, fut depuis connu comme le saut Saint-Louis[2]. Quant au mot Mont-Royal, il n’était plus employé à l’époque où nous sommes parvenus. Les traiteurs allaient au « Grand-Saut, » et, cinquante ans plus tard, le terme « Grand-Saut Saint-Louis » désignait encore parfois l’ensemble de ces localités.