Aller au contenu

Page:Sulte - Histoires des Canadiens-français, 1608-1880, tome I, 1882.djvu/148

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
133
HISTOIRE DES CANADIENS-FRANÇAIS

Champlain. On a imprimé que la compagnie en question était toute calviniste[1]. Nous n’en avons trouvé aucune preuve. Champlain était fervent catholique ; les Malouins passaient pour tels également ; les associés de Normandie étaient peut-être mêlés, mais il y a gros à parier que les Rochelois étaient tous de la religion réformée, et que de là vint en partie leur répugnance à entrer dans l’organisation qui nous occupe.

Les actions étant partagées entre Saint-Malo et Rouen, c’est cette dernière ville qui exerça le plus d’influence dans les affaires du Canada ; aussi, n’est-on pas étonné, à partir de cette date, de voir que les employés, les commis, les ouvriers, les interprètes sont en majorité des Normands. Les navires appareillaient dans les ports de Normandie et y revenaient. Rouen, Honfleur, Fécamp, Cherbourg, le Havre, Dieppe, Caen furent des pépinières d’où sortirent d’abord des individus isolés, puis des familles dont les descendants sont encore parmi nous.

Se voyant à la tête d’une compagnie puissante, Champlain songea à obtenir des missionnaires. Faute d’argent pour les entretenir, il avait dû attendre sept ans, depuis la fondation de Québec ; mais l’heure était favorable et il en profita. Le sieur Louis Houel, secrétaire du roi et contrôleur des salines de Brouage, en Saintonge, pays natal de Champlain, « homme adonné à la piété et doué d’un grand zèle et affection à l’honneur de Dieu et à l’augmentation de sa religion, » donna à son concitoyen un avis qui était en même temps une offre de service. Puisque vous cherchez des religieux, lui dit-il, adressez-vous aux Pères Récollets, auprès desquels j’ai quelque influence, et je vous promets qu’il ne manquera pas de gens de bien pour assister ceux qui seront choisis à cette fin. De plus, il écrivit au Père Bernard du Verger, provincial de l’Immaculée-Conception, homme de vertu et de talent, qui entra dans son dessein et le communiqua aux Frères de l’ordre. De la Saintonge, où il était en ce moment (1614), il députa deux Frères à Paris afin de s’entendre avec monseigneur Robert Ubaldini, nonce du pape (1608-1616) à Paris ; mais ce dignitaire déclara qu’il n’y pouvait rien, la chose étant de la compétence du premier provincial des Récollets. Les deux Frères, qui n’osaient pousser plus loin leurs démarches, par crainte de quelque erreur, retournèrent à leur couvent, non sans exprimer le désir d’avoir plus de succès une autre année.

Quelques mois plus tard (octobre-novembre 1614), le Père Jacques Garnier de Chapouin, premier provincial des Récollets de la province de Saint-Denis, étant de retour dans la capitale, le sieur Houel lui soumit le projet en question, qu’il approuva et fit connaître tant au prince de Condé qu’aux cardinaux et évêques alors assemblés aux États-généraux[2]. Champlain s’employa auprès des mêmes personnes et fit si bien qu’il en résulta une collecte de quinze cents livres dont la somme lui fut confiée pour faire face aux dépenses des Religieux.

« Ayant reconnu, dans mes nombreux voyages, qu’il y avait en quelques endroits du Canada des peuples sédentaires et se livrant à l’agriculture, mais qui avaient ni foi ni loi, et vivaient sans la connaissance de Dieu, sans religion et comme des bêtes brutes, je compris

  1. Presque tous les écrivains ont attribué à la compagnie de 1614 les méfaits de la compagnie de 1620.
  2. Le roi Louis XIII entrait dans sa majorité.