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HISTOIRE DES CANADIENS-FRANÇAIS

lac[1] qui est au dessus des sauts en la façon que les Sauvages qui demeurent aux dits sauts nous en ont donné connaissance. Dans la susdite carte que vous m’avez envoyée, le grand lac se trouve placé trop au nord. Les sauts ou chutes d’eau sont par le 44ième[2] degré de latitude, et il n’est pas aussi difficile de les passer qu’on l’imagine. Les eaux ne tombent pas d’aucunes hauteurs bien considérables ; ce n’est qu’au milieu de la rivière où il y a mauvais fond. Il serait préférable de construire des barques au dessus des sauts ; et il est facile de marcher par terre jusqu’à la fin des trois sauts : il n’y a pas plus de cinq lieues de marche[3]. J’ai été sur le haut d’une montagne[4] qui est au pied des dits sauts, d’où j’ai pu voir la dite rivière au delà des dits sauts, laquelle se montre là plus large[5] qu’elle n’est à l’endroit où nous l’avons passée. Par le peuple du pays nous a été dit qu’il y avait dix journées de marche depuis les sauts jusqu’à ce grand lac, mais nous ne savons pas combien de lieues ils comptent par journée[6]. Je ne puis, pour le moment, vous en écrire plus long, car le courrier ne peut demeurer plus longtemps. Je terminerai donc, pour le présent, en vous présentant mes meilleurs saluts, priant Dieu de vous accorder l’accomplissement de vos désirs. Votre ami affectionné. Jacques Noël. De Saint-Malo, avec hâte, ce 19 juin 1587. »

Une autre lettre, du même au même, parle « des écrits de feu mon oncle, le capitaine Jacques Cartier, » et d’un « certain livre fait en la manière d’une carte marine (du Canada), laquelle a été rédigée[7] de la propre main de mon oncle susdit. J’ai trouvé dans la dite carte, au dessus de l’endroit où la rivière se partage en deux[8], au milieu des deux branches de la dite rivière et quelque peu plus proche[9] de la branche qui court vers le nord-ouest, les mots qui suivent, écrits de la main de Jacques Cartier : « Par le peuple du Canada[10] et Hochelaga, il est dit que c’est ici où est la terre du Saguenay, laquelle est riche et abonde en pierres précieuses. » Et à environ cent lieues de cet endroit j’ai trouvé les deux lignes suivantes écrites sur la dite carte dans la direction du sud-ouest : « Ici, dans ce pays, se trouve la canelle et le girofle que dans leur langue ils appellent Canodetta. » Pour ce qui est de mon livre[11] dont je vous ai parlé, il est fait en la forme d’une carte marine, et je l’ai remis à mes deux fils, Michel et Jean, qui présentement sont en Canada. Si à leur retour, qui sera avec la volonté de Dieu, vers la Sainte-Madeleine (22 juillet) prochaine, ils ont appris quelque chose qui vaille la peine d’être rapporté, je ne manquerai pas de vous le faire savoir. » Noël disparaît après cela ; son fils Jacques le remplace.

  1. L’Ontario.
  2. Ils sont presque un degré et demi plus au nord.
  3. Le lac Saint-Louis a cinq lieues de longueur ; ensuite viennent les Cascades, les Cèdres et les rapides du Côteau-du-Lac, en tout cinq ou six autres lieues, puis le lac Saint-François qui compte douze lieues de long.
  4. La montagne de Montréal.
  5. Le lac Saint-Louis.
  6. De Montréal à Kingston, il y a cinquante-sept lieues.
  7. Ces ouvrages de Cartier sont perdus.
  8. Un siècle plus tard, on parlait encore de l’Ottawa comme d’une branche du Saint-Laurent, quoique l’on connût très bien cette rivière.
  9. Comté de Vaudreuil aujourd’hui.
  10. Québec.
  11. Le livre en question n’a pas été retrouvé.