Aller au contenu

Page:Sulte - Histoires des Canadiens-français, 1608-1880, tome I, 1882.djvu/41

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
37
HISTOIRE DES CANADIENS-FRANÇAIS

dicelles dument collationné par un de nos amés et féaux conseillers, notaires ou secrétaires, ou fait par-devant notaires royaux, foi soit ajoutée comme au présent original ; car tel est notre plaisir. En témoin de quoi nous avons fait mettre notre scel ès dites présentes.

« Donné à Paris, le douzième jour de janvier, l’an de grâce mil cinq cent quatre-vingt-dix-huit et de notre règne le neuvième.

« Signé : HENRY. »

Le marquis de la Roche était depuis 1568 gouverneur de Morlaix, charge qu’il occupa jusqu’en 1586. Il avait présidé les états de Nantes en 1574. Nous l’avons vu tenter d’établir une colonie dans la Nouvelle-France. Le vicomté de Carentan et le poste de gouverneur de Saint-Lô lui furent accordés en 1597. Le duc de Mercœur, chef de la Ligue dans la Bretagne, le fit prisonnier vers cette date ; mais, étant obligé de se replier sur Nantes, il le relâcha peu après. Mercœur fit sa soumission à Henri IV, le 20 mars 1598.

Bien que son étoile parût reprendre de l’éclat, le pauvre marquis n’eut pas même la consolation de voir sa flotte lever l’ancre, on ne sait au juste pourquoi. Le projet resta sur le papier. Affaibli par l’âge, sa fortune obérée, La Roche traîna sa vie quelque temps et mourut de chagrin, en 1606, sans laisser de postérité.

La situation restait la même, avec cette différence, toutefois, que, sous la main d’un grand prince, le royaume allait se relever, et que, bientôt, des entreprises plus dignes du nom français deviendraient possibles.

C’est alors (1599) que Pontgravé, désireux d’accaparer le trafic des pelleteries, se rendit en cour rechercher quelqu’un d’autorité et de pouvoir auprès du trône, et se fit accorder un privilége en règle, qui lui donna l’exploitation du fleuve Saint-Laurent, à l’exclusion de toute autre personne qui ne serait pas de sa compagnie, et ce, à charge par lui d’établir dans le pays des familles et d’y élever un fort.

Ces lignes sont de Champlain. C’est tout ce que l’on sait d’un plan de colonisation qui n’était probablement pas meilleur que ceux de Roberval, de Noël et du marquis de la Roche ; mais le moment approchait où des idées saines devaient enfin se faire jour, sinon prévaloir immédiatement sur les intérêts mercantiles. La part de mise de Pontgravé dans la compagnie qui se formait consistait avant tout dans son expérience et son habileté à conduire un commerce de pelleteries dans les conditions qu’exigeait le Canada. Pontgravé était âgé de quarante-quatre ans.

Armé du monopole, il prépara promptement une expédition. Il s’adressa à Pierre[1] Chauvin, de Honfleur, en Normandie, capitaine de la marine royale, homme très expert en son art, de plus ayant servi Henri IV dans l’armée catholique quoiqu’il fût huguenot, ce qui lui donnait un certain prestige[2] aux yeux du monarque, et devint la cause qu’on le désigna, paraîtrait-il, à Pontgravé pour être son associé principal.

  1. Il est parfois nommé Pierre, ailleurs Jean. Il y avait, en 1600, « Pierre de Chauvin, sieur de Tontuit, lieutenant pour le roi en l’absence du marquis de la Roche au pays de Canada. » En 1610, un nommé Pierre Chauvin représentait Champlain et Pontgravé à Québec pendant leur voyage en France. L’associé de Pontgravé (1599) étant mort vers 1603, il doit y avoir eu deux personnes du même nom.
  2. La politique était à la conciliation. L’Édit de Nantes, en faveur des protestants, avait été promulgué au mois d’avril 1598