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HISTOIRE DES CANADIENS-FRANÇAIS

impossible de rattacher l’origine ni le langage à aucune nation connue. Les Basques ont devancé de plusieurs siècles Colomb et Cartier.

Il est certain que les Scandinaves ont connu et habité l’Amérique depuis l’avénement de Jésus-Christ. La même chose a pu avoir lieu longtemps auparavant.

Si, d’une part, on admet que les Asiatiques ont pu traverser en Amérique par le détroit de Behring, ce qui ne saurait être mis en doute, on peut soutenir avec non moins de raison que les Européens ont pu franchir l’Atlantique sur cinq ou six points, et jeter, sans le vouloir, les germes des nations sauvages que nous avons trouvées en Amérique il y a près de quatre cents ans.

Rien d’étonnant si ces colonies perdues n’ont pas repris le chemin de leur patrie. Rien d’étonnant qu’elles se soient développées dans des conditions qui les transformèrent avec le temps. De pauvres pêcheurs peuvent ainsi devenir des Sauvages. Notons bien que la plupart des Sauvages n’avaient de barbare que le costume. Des mœurs simples, un caractère doux et craintif sont les traits qui nous les signalent presque tous. Les races guerrières, comme les Iroquois, les Sioux et les Algonquins, se vantaient de n’avoir jamais eu rien de commun avec les tribus timides qui les avoisinaient, et cela paraît véritable. Leurs origines différaient complètement. Tout peuple chassé de ses foyers, tous les coureurs d’aventures qui vont prendre possession d’un pays nouveau, ne ressemblent pas au malheureux naufragé qui tombe isolément sur la côte de ce même pays et que l’impossibilité du retour force à vivre en ce lieu. La trempe de la race, comme celle de l’individu, ne saurait s’altérer notablement sous ces circonstances.

Une peuplade tartare aborde en Amérique et marche droit devant elle les armes à la main, selon sa coutume, ravage, conquiert, écrase tout ce qui lui fait obstacle et va s’établir sur un site de son choix.

Un certain nombre de familles, débris d’anciens postes de pêche sur la côte, égarées à la suite d’un naufrage, se constituent, avec le temps, en tribus, en un peuple, pour tout dire ; croit-on que ces gens ressembleront aux premiers ? Cela ne semble guère plausible.

Et maintenant, pourquoi l’Amérique n’a-t-elle pas renfermé que des Sauvages ? Pourquoi trois ou quatre sièges de civilisation y ont-ils fleuri à côté de la barbarie et de la décadence de peuples nombreux ?

Parce que ces divers groupes d’immigrants sont venus ici dans des conditions contraires les unes aux autres.

Les vigoureux enfants de Noé cherchaient à s’ennoblir. Le travail était regardé par eux comme devoir et honneur.

Leurs instincts les portaient à établir, bâtir, prospérer. Avec de tels hommes s’édifient des empires : Palanqué, la Californie, le Nouveau-Mexique.

Plus tard, des navigateurs, des explorateurs, envoyés par les chefs instruits de nations puissantes, formèrent, sur les rivages de l’Atlantique, des établissements durables. La discipline, la civilisation, l’orgueil des arts, le sentiment d’un progrès général les animaient.