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HISTOIRE DES CANADIENS-FRANÇAIS

à la charité des âmes généreuses pour exécuter leurs louables projets. Dès 1626, ils avaient reçu la promesse d’un don en argent de la part d’un gentilhomme picard, René Rohault, et en conséquence, le père de celui-ci, le marquis de Gamache, mit une forte somme à la disposition de l’ordre en 1635. Déjà, les pères Lalemant et De Quen avaient commencé une école pour les fils des Français ; on se mit en devoir de préparer les matériaux destinés à un édifice convenable. Un terrain ayant été accordé par la compagnie de la Nouvelle-France (1637), les travaux furent poussés avec vigueur. L’hiver de 1636-37, cinq jeunes Hurons s’étaient joints aux classes, et le père de Brebeuf, qui était alors dans leur pays, en préparait plusieurs autres à se rendre à Québec dans le même but[1]. Ainsi commença humblement l’université qui porte, de nos jours, le nom de Laval. Les sauvages n’y restèrent pas longtemps attachés ; car en instruction religieuse et profane, comme en agriculture, nous n’avons jamais pu rien gagner sur leur esprit ; mais les enfants des familles françaises trouvèrent dans le collège des jésuites l’éducation qui a fait d’une notable partie des anciens Canadiens des hommes aptes à remplir tant et de si belles carrières qu’on s’en étonne aujourd’hui.

Est-ce au collège des jésuites que fut représentée, en 1640, une tragi-comédie sous la direction de Martial Piraube, notaire à Québec et secrétaire du gouverneur ? M. de Montmagny était le patron de la fête. Il s’agissait de célébrer la naissance du dauphin (né 1639), qui fut depuis Louis XIV. « Je n’aurais pas cru, observe le père Le Jeune, qu’on eût pu trouver un aussi gentil appareil et de si bons acteurs à Kebec. Le sieur Martial Piraube, qui conduisait cette action et qui en représentait le premier personnage, réussit avec excellence[2]. » « Pour les sauvages, dit M. Ferland, la partie la plus émouvante du spectacle fut un mystère du genre de ceux qui, au moyen-âge, faisaient une si forte impression sur l’esprit de nos ancêtres[3]. La Relation ajoute : « Nous fîmes poursuivre l’âme d’un infidèle par deux démons, qui enfin le précipitèrent dans un enfer qui vomissait des flammes[4]. »

Deux autres institutions d’une importance égale sinon supérieure à celle du collège des jésuites, se préparaient en même temps que cette dernière. Nous voulons parler des hospitalières et des ursulines. L’année 1639 ne se fermera point sans que la jeune colonie n’ait été dotée des bienfaits d’une organisation religieuse qui embrassera plusieurs branches d’enseignement, tant pour les femmes que pour les hommes de race blanche et pour les sauvages.

Les lettres que le père Le Jeune écrivait de Québec et que l’on imprimait en France faisaient appel aux âmes charitables en faveur du Canada ; elles inspirèrent à certains personnages le désir de contribuer aux missions, soit par des dons en argent, soit par d’autres sacrifices plus directs. Les fondations de Sillery, du collège des jésuites, des hospitalières, des ursulines, et enfin de la colonie de Montréal, en furent le résultat dans le cours des cinq années qui vont de 1637 à 1642.

Marie de Wignerod ou Vignerot était fille de René de Wignerod, marquis du Pont de

  1. Première mission des Jésuites en Canada, 60.
  2. Relation, 1640, p. 6.
  3. Cours d’histoire du Canada, I, 300.
  4. De 1640 à 1659, d’autres drames furent représentés à Québec. Voir le Journal des Jésuites, pp. 75, 237, 261.