Aller au contenu

Page:Sulte - Histoires des Canadiens-français, 1608-1880, tome II, 1882.djvu/100

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
85
HISTOIRE DES CANADIENS-FRANÇAIS

Alors, dans les reflets d’un songe vaporeux,
Je vois passer au loin les mânes de nos preux
  En cohorte resplendissante,
Jetant à l’Angleterre un sublime cartel,
Et gravant sur nos bords un poème immortel,
  De leur épée éblouissante.

Je compte nos grands noms, soldat, prêtre, trappeur,
Pionniers, chevaliers sans reproche et sans peur,
  Tous ceux dont notre orgueil s’honore :
Depuis l’humble martyr qui convertit les cœurs,
Jusqu’au vaillant tribun foudroyant nos vainqueurs
  Des éclats de sa voix sonore.

Mais, dans les rangs pressés de ce groupe charmant,
D’un regard anxieux, je cherche vainement,
  Quel que soit le livre que j’ouvre,
Tous ces héros obscurs qui, pour ce sol naissant,
Versèrent tant de fois leurs sueurs et leur sang,
  Et qu’aujourd’hui l’oubli recouvre.

Ils furent grands pourtant, ces paysans hardis
Qui, sur ces bords lointains, défièrent jadis
  L’enfant des bois dans ses repaires,
Et perçant la forêt l’arquebuse à la main,
Au progrès à venir ouvrirent le chemin…
  Et ces hommes furent nos pères !

Quand la France peuplait ces rivages nouveaux,
Que d’exploits étonnants, que d’immortels travaux,
  Que de légendes homériques,
N’eurent pour tous héros que ces preux inconnus,
Soldats et laboureurs, cœurs de bronze, venus
  Du fond des vieilles Armoriques !

Le temps les a plongés dans son gouffre béant…
Mais d’exhumer au moins leurs beaux noms du néant,
  Qui fera l’œuvre expiatoire ?…
C’est vous, savant abbé ! c’est votre livre, ami,
Qui se fait leur vengeur, et répare à demi
  L’ingratitude de l’Histoire !

Toujours conduits par le désir d’amener les sauvages au christianisme, les pères jésuites avaient demandé la permission de fonder, à Québec, un collège où l’on pourrait envoyer les jeunes Hurons et les jeunes Algonquins se former lorsqu’il s’en trouverait parmi eux qui voulussent recevoir l’enseignement chrétien. Les jésuites n’étaient pas riches, quoi qu’en eut dit M. de Lauson en leur passant les missions du Canada, et ils devaient recourir, eux aussi,