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HISTOIRE DES CANADIENS-FRANÇAIS

arriva au Canada avec le père Viel[1], sur le navire de Thierry Desdames[2], le 28 juin 1623[3] ; après quelque temps de mission à la baie Géorgienne, il retourna en France (1624). Le frère Gabriel Sagard a publié : Grand voyage au pays des Hurons, et une Histoire du Canada, qui parut en 1636.

Les pères Joseph Le Caron, Nicolas Viel et le frère Sagard, en se rendant chez les Hurons (1623), suivaient à la trace les employés de la traite qui, au nombre de quatorze à cette époque, résidaient parmi ces tribus et y menaient, pour la plupart, une vie scandaleuse. Les missionnaires ne parvenaient pas toujours à contrôler ces gens, qui en partie étaient huguenots. Sous le régime des compagnies, les questions de morale n’étaient pas ce dont on s’occupait. Champlain, les récollets, les jésuites, les habitants du pays s’en plaignaient à qui de droit ; mais leur influence ne s’étendait point au delà du poste de Québec, et on peut dire qu’il s’en est fallu de bien peu que la colonie ne tombât entièrement aux mains d’aventuriers semblables à ceux que Roberval et quelques-uns de ses successeurs avaient tenté d’introduire dans le pays. Grâce à Dieu, cette vermine fut obligée de déguerpir (1627), et, lorsque Champlain reprit la direction du Canada (1633), il était assez fort pour empêcher le retour des mauvais sujets.

L’année 1624 vit démolir une partie des bâtiments de Québec, pour en reconstruire de nouveaux plus commodes et plus spacieux. Le fort reçut des agrandissements ; on ouvrit un chemin ou rue à la place du sentier qui conduit aujourd’hui de la basse-ville à la terrasse Frontenac. Durant les quatre années qui s’écoulèrent de 1620 à 1624, Champlain consacra ses soins à doter la ville naissante des améliorations les plus nécessaires.

Cependant, la situation de la colonie n’était pas enviable. Si, d’un côté, Champlain parvenait à faire comprendre aux marchands la nécessité de certains travaux de défense ou de logement, il ne gagnait absolument rien du moment qu’il parlait d’établir des familles sur les terres des environs. En dix ans, de 1617 à 1627, on ne voit que Louis Hébert véritablement digne du titre de colon. Marsolet, Brûlé, Hertel, Nicolet, Le Tardif, les trois Godefroy étaient encore interprètes, ou employés à la traite. Peut-être Couillard, Martin, Pivert, Desportes, Duchesne cultivaient-ils, mais rien ne l’atteste. La cause de l’agriculture était mal vue des compagnies.

Dans ces circonstances décourageantes, madame de Champlain se prit de dégoût pour le pays. Elle savait la langue algonquine et instruisait les jeunes filles sauvages ; elle dépensait sa dot sans voir les travaux de son mari et les siens produire les résultats que tous deux en attendaient. Les nouvelles de France étaient de plus en plus au commerce, et de moins en moins favorables à la fondation d’une vraie colonie. Pour se soustraire à des privations auxquelles elle n’était pas habituée, elle décida son mari à la renvoyer en France. Ils partirent ensemble le 15 août (1624), et arrivèrent à Dieppe le premier jour d’octobre.

  1. Ce religieux trouva la mort (1625) dans un rapide, au nord de l’île de Montréal, qui porte, depuis cet événement, le nom de Saut-au-Récollet.
  2. Employé à Québec, en 1622
  3. Avec eux était Desmarêts, gendre de Pontgravé.