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HISTOIRE DES CANADIENS-FRANÇAIS

Le duc de Montmorency disait que sa charge de vice-roi du Canada lui rompait la tête plus que les affaires importantes du royaume. En écoutant le rapport de Champlain, il perdit le reste de son enthousiasme, et, le 15 février 1625, passa le titre à son neveu, Henri de Lévis[1], duc de Ventadour, lequel confirma Champlain dans le poste de lieutenant, par lettres en date du même jour. Il paraîtrait que le nouveau vice-roi appuya vivement le projet déjà formé d’envoyer des jésuites au Canada seconder les récollets, et que ceux-ci, loin d’y mettre des entraves, insistèrent pour que la chose se fit. Ce n’était ni le sentiment de Champlain ni, celui des habitants de Québec ; toutefois, le printemps (1625) arrivé, Guillaume de Caen reçut ordre de prendre à son bord les pères Jean de Brébeuf et Charles Lalemant, jésuites, et le père Jean-Joseph de la Roche-Daillon, récollet.

Champlain était resté en France, sur la demande du vice-roi, et tout nous indique que ce n’était pas sans à propos ; car non-seulement Guillaume de Caen était en procès avec une partie de ses associés, mais les habitants du Canada et les religieux lui reprochaient de traiter comme lettre morte l’article de ses obligations envers la colonie. Deux arpents de terre à peine étaient défrichés à Québec par son ordre. La traite lui rapportait annuellement quinze à vingt milliers de castors. Il eût pu au moins donner des vivres aux hivernants, qui, chaque printemps, pensaient mourir de faim et finissaient par n’avoir plus d’autres ressources que de serrer leur ceinturon au dernier cran.

Les premières tentatives de culture dans la Nouvelle-France eurent lieu à l’île Sainte-Croix (1604) et à Québec (1608) ; mais ces travaux ne dépassaient guère ceux d’un jardinage ; et leur objet n’était point de nourrir les habitants, mais de procurer à de Monts et à Champlain des échantillons de ce que le sol pouvait produire. Nous avons vu que, en 1613 et en 1615, Champlain agrandit sa petite exploitation. Louis Hébert devait s’être attaqué à la terre dès 1618 ; il possédait un « labourage » en 1620, mais c’était un labourage à la bêche, puisque Champlain nous dit positivement que la veuve Hébert fit usage de la charrue, pour la première fois, le 26 avril 1628.

En 1622, sur l’invitation de Champlain, quelques sauvages s’étaient mis à défricher et à semer du blé-d’Inde à la Canardière, joli endroit englobé, quatre ans plus tard, dans les limites de la seigneurie de Notre-Dame-des-Anges.

Voyant que le vice-roi était changé, Hébert avait fait la demande d’un titre nouvel pour la terre à lui accordée par le duc de Montmorency en 1623. Le 28 février 1626, le duc de Ventadour lui en donna le titre, dans lequel il est dit que Hébert « aurait par son travail et industrie, assisté de ses serviteurs domestiques, défriché certaine portion de terre comprise dans l’enceinte d’un clos, et fait bâtir et construire un logement pour lui, sa famille et son bétail. » La possession lui en est confirmée « pour en jouir en fief noble par lui, ses héritiers et ayant cause, à l’avenir comme de son propre et loyal acquest, et en disposer pleinement et paisiblement comme il verra bon être ; le tout relevant du fort et château de Québec, aux

  1. En 1629, Champlain mentionne le « cap de Lévis, » le même qui est à présent connu sous le nom de « pointe Lévis, » en face de Québec.