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HISTOIRE DES CANADIENS-FRANÇAIS

Lairet, de l’autre côté de la rivière Saint-Charles, montant vers les pères récollets d’un côté et de l’autre côté descendant dans le grand fleuve[1]… Les limites de cette seigneurie, appelée Notre-Dame-des-Anges, furent modifiées quelque peu en 1637.

Émeric de Caen était resté à Québec, l’hiver 1624-25[2], en qualité de commandant et de principal commis. Il retourna en France avec son oncle (1625), et ils eurent à supporter un nouveau procès qui leur fut moins favorable que les précédents. Guillaume se vit contraint de rester en France, et, comme on ne voulait plus confier la conduite de la flotte à un huguenot, le sieur de la Ralde fut nommé à ce poste, ayant sous ses ordres Émeric de Caen. Deux navires, la Catherine (cent cinquante tonneaux) et la Flèque appareillèrent à Dieppe, sur lesquels Champlain s’embarqua avec le sieur Destouches[3] et Eustache Boullé. Ils arrivèrent à Québec le 5 juillet 1626. Pontgravé, qui commandait le poste, avait été malade de la goutte, et il avait pensé mourir, mais pour lors il se portait bien et tous les hivernants, mais fort nécessiteux de vivres… Le dit du Pont avait dépêché une chaloupe pour envoyer à Gaspé et à l’île Percée, pour savoir des nouvelles et trouver moyen d’avoir des vivres, s’il était possible, pour n’abandonner l’habitation et pouvoir repasser en France la plus grande partie de ceux qui avaient hiverné… Voilà les risques et fortunes que l’on court la plupart du temps d’abandonner une habitation et la rendre en telle nécessité qu’ils mourraient de faim si les vaisseaux venaient à se perdre, et si l’on ne munit la dite habitation de vivres pour deux ans, avec des farines, huiles et du vinaigre, et cette avance ne se fait que pour une année, attendant que la terre soit cultivée en quantité pour nourrir tous ceux qui seraient au pays, qui serait la chose à quoi l’on devrait le plus travailler après être fortifié et à couvert de l’injure du temps. Ce n’est pas que souvent je n’en donnasse des avis et représentai les inconvénients qui en pourraient arriver : mais comme cela ne touche qu’à ceux qui demeurent au pays, l’on ne s’en soucie[4]… »

Le père Charles Lallemant écrit, à ce sujet, le 1er août 1626 : « Nous sommes si éloignés de la mer que nous ne sommes visités par les vaisseaux français qu’une fois chaque année, et seulement par ceux qui en ont le droit, car cette navigation est interdite aux autres. Ce qui fait que si, par hasard, ces vaisseaux marchands périssaient, ou s’ils étaient pris par les pirates[5], nous ne pourrions compter que sur la providence de Dieu pour pouvoir nous nourrir. En effet, nous n’avons rien à attendre des sauvages, qui ont à peine le strict nécessaire[6].

La culture de la terre était un remède tout indiqué contre ce vice de l’administration des compagnies. C’est à quoi Champlain et quelques autres pensaient, et si on les eût laissés

  1. Titres seigneuriaux, I, 53.
  2. Hivernèrent à Québec cinquante et une personnes, tant hommes que femmes et enfants. (Œuvres de Champlain 1067.)
  3. Enseigne de Champlain. Retourna en France l’année suivante.
  4. Œuvres de Champlain, 1106-7.
  5. Au mois de septembre 1624, un pilote du nom de Cananée, bon catholique, partit de Gaspé, sur l’ordre du sieur de Caen, comme capitaine de la Sainte-Madeleine, montée par douze ou treize matelots, protestants et catholiques, en destination de Bordeaux. Le long des côtes de Bretagne, ils furent capturés par les Turcs, et tous devinrent esclaves.
  6. Traduit du latin par le révérend père Auguste Carayon.