Page:Sulte - Histoires des Canadiens-français, 1608-1880, tome II, 1882.djvu/36

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
21
HISTOIRE DES CANADIENS-FRANÇAIS

libres d’agir, le problème de la création d’une colonie vivace était résolu presque sans effort. « La longueur et continuation des neiges est cause qu’on pourrait douter si le froment et seigle réussiraient bien en ce pays ; j’en ai néanmoins d’aussi beaux qu’en notre France, et même le nôtre que nous y avons semé ne lui cède en rien… Ainsi la terre n’est pas ingrate… Plus on va montant la rivière et plus on s’aperçoit de la bonté d’icelle… Il n’y a que trois ou quatre familles (de sauvages) qui ont défriché deux ou trois arpents de terre, où elles sèment du blé-d’Inde, et ce depuis peu de temps. On m’a dit que c’étaient les révérends pères récollets qui leur avaient persuadé. Ce qui a été cultivé en ce lieu par les Français est peu de chose ; s’il y a dix-huit ou vingt arpents de terre, c’est tout le bout du monde[1]. »

Le 25 août, Pontgravé « se délibéra de repasser en France, bien que le dit sieur de Caen lui mandait que cela serait en son option de demeurer s’il le voulait ; étant résolu de s’en retourner, Cornaille de Vendremur, d’Envers, demeura en sa place, pour avoir soin de la traite et des marchandises du magasin, avec un jeune homme appelé Olivier Le Tardif, de Honfleur, sous-commis qui servait de truchement[2]. »

Le premier soin de Champlain, à son retour de France, fut de restaurer les bâtiments de Québec, auxquels on n’avait pas travaillé depuis son départ. Voulant aussi tirer avantage des prairies naturelles du cap Tourmente, où l’on faisait des foins depuis deux ou trois ans et où l’on élevait du bétail, il y fit ériger (1626) une habitation, et y envoya le sieur Foucher avec cinq ou six hommes, une femme (madame Pivert ?) et une toute jeune fille. « Les récollets, écrit le père Le Clercq, allaient à une petite mission formée au cap de Tourmente, à sept lieues au-dessous de Québec, où l’on avait construit un fort avancé pour la défense du pays, non-seulement contre les sauvages, mais principalement contre les ennemis (venant) de l’Europe[3]. » Champlain visita cette ferme pendant l’hiver 1626-7.

« Ceux qui demeuraient au pays », selon l’expression de Champlain, menaient une vie exemplaire. Il y avait eu, à l’arrivée des pères jésuites (1625), un certain mécontentement parmi eux, mais les récollets, qui étaient fort en faveur de ces pères, réussirent à mettre tous les esprits d’accord. Le père Charles Lalemant écrivait de Québec, le 1er août 1626 : « Pour nos Français, qui ne sont ici qu’au nombre de quarante-trois, nous ne nous sommes pas épargnés. Nous avons entendu leur confession générale, après avoir fait une exhortation sur la nécessité de la confession… Tous les nôtres, grâce à Dieu, se portent bien. À peine y en a-t-il un qui ne se couche tout habillé. Ce qui nous reste de temps, après les exercices spirituels et les œuvres apostoliques, nous l’employons tout entier à cultiver la terre. »

À la même date, il y avait au Canada les pères jésuites Énemond Masse, Jean de Brebeuf, Anne de Noue et Charles Lalemant, sans compter les frères Gilbert Burel, Jean Goffestre et François Charreton.

L’année 1627 commença par un pénible événement pour la bourgade de Québec. « Le

  1. Le père Charles Lalemant, 1er août 1626.
  2. Œuvres de Champlain, 1065-6, 1108, 1113.
  3. Premier Établissement, I, 393.