de la Nouvelle-France. On lui accorda, pour une année, la traite des pelleteries, et il s’engagea à transporter, cette année, les personnes et les objets dont on le chargerait. Émeric de Caen reparut donc à Québec à la tête de la flotte et avec pouvoir de commander partout en attendant le retour de Champlain.
Le père Joseph Le Caron était mort le jour même de la signature du traité de Saint-Germain, du chagrin qu’il éprouvait, dit-on, de voir les récollets écartés des missions du Canada. M. Jean de Lauson ne voulait y admettre que les jésuites, sous prétexte que la colonie était trop pauvre pour soutenir un ordre mendiant. Nos historiens paraissent accepter cette donnée sans commentaire. Le moindre coup d’œil sur la situation du Canada, à partir de 1632 jusqu’à 1665, démontre que les jésuites, si riches qu’ils fussent, ont vécu ici dans la dernière pauvreté, exactement comme eussent pu le faire les récollets, ou toute autre communauté privée de fortune. Il reste acquis que les récollets ont été repoussés. Était-ce parce que les habitants du Canada leur avaient de préférence témoigné des sympathies ? M. de Lauson n’a jamais eu le sentiment canadien : il était tout Européen et accapareur. Richelieu, au point où nous sommes rendu, ne prêtait qu’une oreille distraite aux choses de la colonie. Les Cent-Associés, las de subir des pertes, ont dû être gagnés aisément par cette parole magique : les jésuites vous coûteront moins cher ! De ce concours de circonstances sortit la décision qui nous occupe. Il est étrange, toutefois, que personne n’ait mis au jour les pièces qui se rapportent à cette affaire — car elles existent.
C’est le dernier jour de mars 1632 que le père Paul Le Jeune, supérieur de la résidence de Dieppe, homme du plus grand mérite, ami de la famille de Condé, écrivain facile, observateur, et rempli d’un excellent esprit d’initiative, reçut instruction de se préparer aux travaux de la Nouvelle-France. Il partit de Dieppe dès le lendemain, passa à Rouen, y vit le père Charles Lalemant, reçut le père Anne de Nouë, prit avec lui le frère Gilbert Burel, et tous trois se rendirent au Havre saluer M. Du Pont, neveu du cardinal de Richelieu. Le père de Nouë était fils d’un gentilhomme, seigneur de Villers, en Prairie, château et village situés à six lieues de la ville de Rheims. Il avait été page à la cour, mais à trente ans, il était entré dans la compagnie de Jésus. C’est un type du missionnaire fervent, dévoué, ne demandant qu’à être dirigé vers le sacrifice.
La flotte partit de Honfleur le 18 avril, toucha à Tadoussac le 18 juin, et jeta l’ancre devant Québec le lundi 5 juillet. « Nous vîmes, au bas du fort, la pauvre habitation de Kebec toute brûlée. Les Anglais, qui étaient venus en ce pays-ci pour piller, et non pour édifier, ont brûlé non-seulement la plus grande partie d’un corps de logis que le père Charles Lallemand avait fait dresser, mais encore toute cette pauvre habitation en laquelle on ne voit plus que des murailles de pierres toutes bouleversées. Cela incommode fort les Français, qui ne savaient où se loger… Dans notre maison, nous avons trouvé pour tous meubles deux tables de bois telles quelles ; les portes, fenêtres, châssis, tous brisés et enlevés ; tout s’en va en ruine. C’est encore pis en la maison des pères récollets[1]. » Dans l’incendie de l’habitation
- ↑ Le père Le Jeune : Relation de 1632, pp. 7, 8.