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HISTOIRE DES CANADIENS-FRANÇAIS

avaient été détruites neuf mille peaux de castors appartenant à la compagnie de Montmorency. Guillaume de Caen estima à quarante mille écus la perte que les Anglais lui avaient causée[1]. La chapelle de la basse-ville était également en cendres.

La veuve de Louis Hébert, remariée à Guillaume Hubou, et son gendre, Guillaume Couillard, possédaient du bétail et tiraient parti de la culture de leur terre. Ils avaient été sur le point de retourner en France, désespérant de voir revenir les Français.

Le 13 juillet, Thomas Kertk remit le fort à Émeric de Caen et à M. Duplessis-Bochart, son lieutenant. Le même jour, les Anglais firent voile sur deux navires chargés de pelleteries et de marchandises. On peut dire qu’ils emportaient avec eux l’élément protestant. Néanmoins, les registres de nos églises font voir que, de temps à autre, des calvinistes, établis parmi nous après 1632, se convertirent au catholicisme et fondèrent des familles qui existent encore.

Vers le milieu d’août (1632), le sieur de la Ralde et le capitaine Morieult arrivèrent de France apportant de nouveaux secours.

Nous ne connaissons pas les noms des cultivateurs débarqués cette année, si toutefois il en est venu ; mais il faut citer deux personnes que les événements ramèneront plus d’une fois par la suite sous les yeux du lecteur.

Noël Juchereau, sieur des Chastelets, né à la Ferté-Vidame, diocèse de Chartres, dans la Beauce, était licencié en droit. On suppose qu’il agissait à Québec dans les intérêts des marchands, MM. Rosée et Cheffault, qui désiraient se faire accorder par les Cent-Associés une part de la traite de la Nouvelle-France.

Guillaume Guillemot, écuyer, sieur Duplessis-Bochar-Kerbodot (il signait parfois Guillemot et parfois Duplessis-Querbodo), avait été adjoint à Émeric de Caen à dessein de contrebalancer les tendances calvinistes de celui-ci. Peut-être était-il parent du cardinal de Richelieu, qui était un Duplessis.

Malgré les traités de paix avec les puissances étrangères et la gloire qui en rejaillissait sur la France, l’intérieur du royaume n’était point tranquille. Gaston d’Orléans, frère du roi, avait repassé la frontière et soulevait une partie du Languedoc. Le premier septembre 1632, au combat de Castelnaudary, les soldats de ce prince furent repoussés, et le duc de Montmorency, ancien vice-roi du Canada, pris les armes à la main, porta sa tête sur l’échafaud (30 octobre). Gaston se soumit encore une fois.

Richelieu tourna un moment ses regards du côté de la Nouvelle-France. Il vit que les Cent-Associés perdaient de plus en plus confiance dans l’entreprise, et que Guillaume de Caen, qui avait juré bien haut qu’il reprendrait la direction du commerce du Canada, pourrait bien ne pas se tromper si l’on n’apportait remède à la situation. Le 1er mars 1633, le ministre nomma Champlain « son lieutenant en toute l’étendue du fleuve Saint-Laurent », et lui accorda d’amples pouvoirs. Champlain fit voile de Dieppe le 23 mars. Il conduisait trois vaisseaux :

  1. Ferland : Cours d’histoire, i, 253.