le Saint-Pierre, de cent cinquante tonneaux, armé de douze canons ; le Saint-Jean, de cent soixante tonneaux et de dix canons ; le Don-de-Dieu, de six canons et quatre-vingts tonneaux. La flotte portait environ deux cents personnes, tant matelots que colons, des marchandises, des armes et des provisions en abondance. Parmi les passagers étaient les pères Masse et Brebeuf, ainsi qu’une femme et deux jeunes filles. L’équipement avait été fait par les agents de la compagnie, les sieurs Rosée, marchands de Rouen, et Cheffault, avocat de Paris. Plusieurs des Cent-Associés, qui étaient des personnes de haute dignité ou des ecclésiastiques, demeurant à Paris, et qui ne pouvaient s’occuper des affaires, jugèrent à propos d’en laisser la conduite, ainsi que les avantages, à ceux de la compagnie qui étaient déjà engagés dans le commerce à Dieppe, à Rouen et à Paris. Une association particulière fut composée de ces derniers. Elle se chargea de payer les appointements du gouverneur, de lui procurer des vivres, d’entretenir les garnisons et de fournir toutes les munitions de guerre. Après avoir prélevé les deniers nécessaires pour couvrir ses dépenses, elle tenait compte du surplus des profits à la grande compagnie, qui avait son bureau à Paris. Pendant plusieurs années, les sieurs Rosée et Cheffault, sous la surveillance de M. Jean de Lauson, conduisirent les affaires mercantiles et territoriales de la compagnie[1]. »
L’espoir que les Cent-Associés avaient inspiré ne se réalisait point. Le Canada retombait sous la main des marchands, et son vrai maître était M. de Lauson. On ne tarda pas à s’apercevoir que la colonie, au lieu de franchir d’un bond tous les obstacles, n’avait fait qu’un pas en avant. Le mode d’opération que Richelieu venait ainsi de sanctionner exigeait impérieusement que l’autorité souveraine en eût le contrôle absolu, et qu’elle forçât au besoin tous les intéressés à faire leur devoir ; par malheur, à la moindre brouille qui survenait en Europe, le ministre abandonnait le Canada à lui-même, ou plutôt à ceux qui l’exploitaient.
Le 22 mai, la petite flotte était saluée par le canon de Québec. Dans l’après-midi, le sieur de Caen, sortant du fort avec ses hommes, remit les clefs à Duplessis-Bochart, qui en prit possession à la tête de sa troupe. Le malaise général disparut : il n’y avait qu’un seul parti désormais.
La joie des habitants du pays fut grande quand ils virent arriver le fondateur de la colonie. « Ce jour, dit le père Le Jeune, nous a été l’un des bons jours de l’année. » Tous connaissaient sa sagesse, son expérience et son admirable dévouement. On voyait renaître les espérances du passé.
« Champlain, en possession de son nouveau gouvernement, s’occupa d’abord des affaires de la traite, qui pressaient davantage. Il venait d’arriver des Trois-Rivières dix-huit canots algonquins, et l’on savait que les Anglais avaient trois vaisseaux à Tadoussac, d’où ils étaient même montés jusqu’au Pilier. Champlain, se doutant que les sauvages pourraient aller les trouver jusque là, tint conseil avec eux et leur fit entendre, par la bouche de l’interprète Olivier le Tardif[2], qu’ils prissent bien garde à ce qu’ils avaient à faire ; ces Anglais étaient