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HISTOIRE DES CANADIENS-FRANÇAIS

qui allaient en traite. Au mois de mai 1633, les Hurons, escortés par une chaloupe de la compagnie, avaient été défaits un peu au dessus des Trois-Rivières, et deux Français tués. On résolut de construire un fort dans ces endroits, et d’y placer des hommes dont le commandant pourrait au besoin se servir comme de patrouille le long du fleuve. Déjà quelques colons avaient jeté les yeux de ce côté. Jacques Hertel s’y était fait accorder un terrain (1633) ; l’on savait que les sauvages iraient de préférence rencontrer les traiteurs dans ce lieu de leurs anciens rendez-vous. Comme l’objet des jésuites était de convertir ces peuples nomades, l’acte qui suit fut signé à Paris, le 15 février 1634 :

« La compagnie de la Nouvelle-France, à tous présents et à venir, salut : Le désir de bien établir la colonie en la Nouvelle-France nous faisant rechercher ceux qui y peuvent contribuer de leur part, et bien mémoratifs de l’assistance que nous avons reçue en cette louable entreprise des révérends pères de la compagnie de Jésus, lesquels exposent encore tous les jours leurs personnes aux périls pour attirer les peuples de la dite Nouvelle-France à la connaissance du vrai Dieu et à l’usage d’une vie plus civile ; à ces causes, et pour leur donner quelque retraite proche les habitations que nous établirons en la Nouvelle-France, en vertu du pouvoir à nous donné par Sa Majesté, nous avons, aux dits RR. PP. de la compagnie de Jésus, donné, concédé, donnons, concédons par ces présentes l’étendue et consistance de terre qui en suit, c’est-à-savoir : la quantité de six cents arpents de terre, à prendre en la dite Nouvelle-France, au lieu dit les Trois-Rivières, à l’endroit où notre dite compagnie fait construire une habitation[1], ou de proche en proche, ainsi qu’il sera avisé par le sieur Champlain, commandant pour la dite compagnie au fort de Québec et fleuve Saint-Laurent, pour jouir par les dits révérends pères de la dite compagnie de Jésus, eux et leur société, à toujours, des dites terres en toutes propriété, seigneurie, tout ainsi qu’il a plu au roy nous concéder le dit pays de la Nouvelle-France, sans qu’ils soient obligés à aucune chose, sinon que d’en donner aveu pour cette seule fois seulement, les dispensant pour toujours après cela, et tant que besoin est ou serait ; avons amorti et amortissons les dites terres ci-dessus concédées, dans lesquelles les dits révérends pères et autres de leur société feront[2] passer telles personnes qu’ils choisiront pour les cultiver et dresser les habitations nécessaires ; et néanmoins dans l’étendue des terres ci-dessus, non plus qu’ailleurs en la dite Nouvelle-France, les y habitués (habitants) ne pourront traiter des peaux, pelleteries, autrement qu’aux conditions de l’édit du roy, fait pour l’établissement de notre compagnie ; et faisant, par les dits révérends pères, passer des hommes pour la culture des dites terres, ils en remettront tous les ans les rôles au bureau de notre dite compagnie, afin qu’elle en soit certifiée et que cela tourne à sa décharge, étant réputé du nombre de ceux qu’elle doit faire passer suivant l’édit ci-dessus[3]. Mandons au dit sieur Champlain, que de la présente concession il fasse jouir les dits révérends pères de la compagnie de Jésus, et leurs successeurs, leur désignant le lieu le plus commode, proche de notre dite habitation des Trois-Rivières, et

  1. Elle ne fut commencée que le 4 juillet suivant.
  2. Ceci est encore plus impératif que dans la concession de Beauport. (Sir Louis-H. Lafontaine : Tenure seigneuriale, vol. A, 33.)
  3. Il s’agit de cultivateurs et non des engagés ou hivernants.