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Une anecdote a été racontée comme étant apparemment ce qui avait donné à M. Duvernay l’idée d’adopter saint Jean-Baptiste à titre de patron du pays. Nous ne saurions l’accepter, puisque les notes ci-dessus attestent d’une toute autre origine. Voici l’anecdote : Durant la guerre de 1812, plusieurs miliciens portant le nom de baptême de Jean-Baptiste, répondaient à un appel. L’officier anglais s’en montra très étonné. « Mordine ! s’écria-t-il, ce sont tous des Jean-Baptiste ! » Le mot « Jean-Baptiste » s’appliqua, parmi les militaires, aux Canadiens-français. Ce nom devait aussi être regardé comme « civil », puisque dans le Spectateur, publié à Montréal en 1813, on lit plusieurs lettres d’un patriote qui signe : Jean-Baptiste.

Les voies étaient préparées. La Saint-Jean-Baptiste avait une existence deux fois séculaire sur les bords du Saint-Laurent. Au lieu de créer, d’innover, d’improviser, il suffisait de mettre en pratique des idées reçues et de leur donner du corps. « Heureux, dit Sainte-Beuve, ceux qui sont d’un pays, d’une province, qui en ont le cachet, qui en ont gardé l’accent, qui font partie de son caractère. » Les mots : « fête de Saint-Jean-Baptiste » réveillaient chez les Canadiens des souvenirs puissants. C’était l’un des beaux jours que nos ancêtres aimaient à célébrer. En le choisissant, M. Duvernay agit avec un instinct, un tact parfait, ce qui assura l’existence à sa fondation. Deux ans après, le Canadien (1836) adoptait pour emblème le castor et la feuille d’érable, lesquels, à partir de ce moment, se répandirent dans toutes nos paroisses.

Il ne nous manque plus qu’un chant national ; mais, par exemple, c’est bien le merle blanc à trouver ! Heureusement, nous avons assez de chansons frappées à notre effigie, pour nous passer longtemps d’un hymne façonné dans les règles. Pour notre part, nous préférons la Claire Fontaine, ou : Vive la Canadienne, à toutes les Marseillaises. C’est moins brutal et non moins poétique.



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