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histoire des canadiens-Français

trois ou quatre méchants villages… Il est hors de doute que si les Agnieronnons étaient défaits par les Français, les autres nations iroquoises seraient heureuses d’entrer en composition avec nous. »

Dans les églises et partout, il se prêchait constamment une croisade contre ces barbares. Un jour du mois d’avril 1660, quarante Hurons étaient partis de Québec pour marcher contre eux, ils furent rejoints par six Algonquins en passant aux Trois-Rivières. Les Hurons étaient commandés par un nommé Onontaga ou Kanontaga. Les Algonquins étaient sous les ordres de Miti8meg. Il y a apparence que ces deux capitaines étaient alors les meilleurs chefs de guerre des Hurons et des Algonquins. Ils songèrent d’abord à faire la petite guerre ; mais, parvenus à Montréal, ils firent corps avec seize Français enrôlés par le fameux Dollard, qui avait conçu le projet incroyable d’arrêter avec si peu de forces l’armée iroquoise. Cette petite troupe, pleine de courage et de dévouement, prit la route de l’Ottawa, et le premier mai, elle était aux pieds des rapides de Carillon, où elle mit pied à terre. Rencontrant en ce lieu les bandes iroquoises, fortes de sept ou huit cents hommes, elle se retrancha dans un méchant fort et engagea une lutte héroïque et prolongée, qui a eu un immense retentissement dans notre histoire. Lorsque enfin, vers le 20 mai, les Hurons commirent la lâcheté de se rendre et de faire connaître à l’ennemi qu’il ne restait plus que huit Français et quelques Algonquins dans le retranchement de Dollard, la cause fut perdue ; mais Onontaga, Miti8meg, trois Algonquins et quatre Hurons, qui n’avaient pas quitté le chef français, préférèrent s’ensevelir dans sa défaite plutôt que d’avoir la vie sauve chez les Iroquois.

Le siège du Long-Sault a fourni à M. l’abbé Faillon l’une des plus belles pages de ses études historiques. Nous y renvoyons le lecteur. Voici la liste des braves qui périrent dans cette occasion : Adam Dollard sieur Desormeaux, commandant de la garnison du fort de Villemarie, âgé de 25 ans ; Louis Martin, 21 ; Jacques Boisseau dit Cognac, 23 ; Robert Juré, 24 ; François Crusson dit Pilote, 24 ; Jacques Brassier, 25 ; Nicolas Tillemont, serrurier, 25 ; Nicolas Josselin, natif de Solesmes, 25 ; Simon Grenet, 25 ; Christophe Auger dit Desjardins, 26 ; Jean Lecomte ; 26 ; Laurent Hébert dit Larivière, 27 ; Étienne Robin dit Desforges, 27 ; Jean Valets, 27 ; Jean Tavernier dit la Hochetière, armurier, 28 ; René Doussin sieur de Sainte-Cecise, 30 ; Alonié De Lestres, chaufournier, 31. Aucun d’entre eux ne paraît avoir été marié. Cette circonstance, jointe à l’âge de ces hommes, fait croire qu’ils étaient soldats de la garnison de Montréal, non encore établis au milieu des colons. Trois autres personnes, noyées dans le trajet, à l’entrée de la rivière des Outaouais, le 19 avril, portaient les noms de Mathurin Soulard, Nicolas Duval, natif de Forges, en Brie, et Blaise Juillet, le seul homme marié qui accompagnât Dollard.

Vers 1660, les ravages des Iroquois autour de Québec empêchaient les habitants de faire les récoltes. Il paraîtrait que l’on était plus heureux aux Trois-Rivières, malgré les massacres qui s’y commettaient, puisque M. Pierre Boucher est mentionné pour avoir porté du blé à Québec (avril 1660) au compte des jésuites, lesquels, ne voulant point profiter de