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HISTOIRE DES CANADIENS-FRANÇAIS

Un nommé de Krainquille, lieutenant de Latour, partit après les événements de l’été de 1630 et étant parvenu à s’introduire à la cour, selon M. Rameau, « il exposa comment Biencourt et après lui Charles de Latour s’étaient toujours maintenus en possession de l’Acadie au nom du roi de France ; comment ils y vivaient, et au prix de quelles privations et de quels dangers ils se soutenaient dans ce pays contre les entreprises des Anglais et contre leur propre dénûment. Il raconta l’occupation de Port-Royal, où, d’après son dire, les Écossais demeuraient encore avec leurs familles et du bétail. Le roi, reconnaissant de cette longue et courageuse persistance, accorda le 11 février 1631 une commission royale confirmant, par provision, Latour dans son commandement. » Bientôt après un acte définitif régularisa la position de Latour.

La colonisation stable de l’Acadie commence en 1632 avec les émigrants amenés par Razilly. Le 29 mars de cette année la paix avait été signée à Saint-Germain. La Nouvelle-France allait pouvoir se constituer. L’Acadie était formellement reconnue possession française.

La commission de Razilly est du 10 mai 1632. Elle l’autorise à faire retirer les sujets de la Grande-Bretagne de Québec, de Port-Royal et du Cap-Breton. Quelques jours plus tard il obtint des Cent-Associés la concession de la rivière et baie de Sainte-Croix ; douze lieues de front sur vingt de profondeur, avec les îles adjacentes, y compris l’île de Sainte-Croix.

Les Razilli appartenaient à une famille de Touraine. Le chef, au xvie siècle, était François, gouverneur de Loudun, qui eut quatre fils : Gabriel, chevalier de Malte dès 1591 ; François, gentilhomme de la chambre de Louis XIII, connu pour la part qu’il prit à l’expédition de La Raverdière, au Brésil, en 1612 ; Isaac et Claude, tous deux habiles marins.

Claude, seigneur de Launay et de Razilly, des Eaux-Mesle et Cuon, en Anjou, était capitaine entretenu des vaisseaux du roi et devint commandant de l’île d’Oléron et chef d’escadre. Il fut ensuite vice-amiral des armées navales de France. Il eût le fief de la Hêve en Acadie (1634). Après la mort de son frère Isaac (1636) il prit le nom de Launay-Razilli et fut nommé lieutenant-général pour le roi aux côtes d’Acadie. On croit qu’il mourut dans la pauvreté vers 1666. C’est du moins ce que l’on doit supposer d’après le placet en vers adressé au roi (1667) par sa sœur Marie, femme poète et célèbre, surnommée Calliope, et à qui Louis XIV accorda une pension de deux mille livres en considération de l’état de gêne ou, par suite de la perte de son frère, elle se trouvait réduite.

Isaac de Razilli, appelé chevalier ou commandeur, était de l’ordre de Malte et fut nommé commandeur en 1627. Il était officier supérieur de la marine, commandant des îles Bouchard, commandant en chef d’escadre des vaisseaux du roi en Bretagne (1629) et premier capitaine du ponent. En 1627, sous les ordres de l’amiral de Saint-Luc, il s’était distingué contre la marine de la Rochelle. Il servit en Afrique et au Brésil. Chargé de conduire une expédition pour l’Acadie, en 1629[1] on l’envoya au Maroc en apprenant que la paix avait été

  1. Voir le présent ouvrage, tôme II. 32, 42, 63. IV, 131.