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HISTOIRE DES CANADIENS-FRANÇAIS

signée à Suze. Il était de la compagnie des Cent-Associés. Le cardinal de Richelieu, son parent, le fit nommer « lieutenant pour le roi et monsieur le cardinal » en la Nouvelle-France (1632), comme on l’a vu plus haut.

Sur les deux navires d’Isaac de Razilly qui arrivèrent à la Hêve, l’été de 1632, se trouvaient des engagés célibataires et des familles, parmi lesquelles on croit reconnaître les Martin, les Trahan, les Landry, Gaudet, Lejeune et Joffriau, peut-être aussi Rivedon. Ce furent les véritables pionniers de la colonie, car il paraîtrait que les hommes de Latour, adonnés à la vie errante et aventureuse, ne se rapprochèrent pas, pour le moment du moins, du groupe formé par Razilly. Les Écossais demeurés au Scotch Fort y restèrent en partie, mais quarante-six d’entre eux, c’est-à-dire le plus grand nombre, retournèrent en Angleterre ou se réfugièrent au Massachusetts. Port-Royal passa aux mains de Razilly vers le commencement d’août (1632). Ce qui restait d’Écossais et de Français au bassin des Mines se réunit à Port-Royal.

La Hêve devint de suite le chef-lieu du pays. Quarante lots de terre furent délimités et concédés, dont douze ou quinze aux gens mariés et le reste aux hommes qui comptaient s’établir.

Avec Razilly étaient arrivés Denys et d’Aulnay, deux seigneurs qui ont rempli à peu près les mêmes missions que Giffard, Bourdon, Le Gardeur et Juchereau au Canada.

Nicolas Denys, sieur de Vitré, né en 1588, avait épousé Marguerite de la Faye. Il était probablement frère de Simon Denys[1], fixé à Québec vers 1650. Nous le suivrons durant de longues années, car c’est l’un de ceux qui ont occupé le plus de place en Acadie.

Charles de Menou, seigneur d’Aulnay de Charnisay, appartenait à une famille noble du Bas-Berry et paraît avoir été parent des Razilli. Il avait amené en Acadie, ou amena bientôt sa femme, Jeanne, fille de Louis Molin ou Motin, seigneur de Courcelles en Charolais, dont il eut plusieurs enfants.

« Denys s’occupa surtout du côté commercial et financier de l’entreprise ; c’était lui qui tenait les magasins, qui recevait et expédiait les marchandises. Il créa de suite quelques produits propres à être expédiés en France, pour couvrir les achats de toute nature que nécessitait l’entretien de la colonie ; indépendamment des pelleteries que l’on achetait aux Indiens, il tira parti des magnifiques bois de charpente qui couvraient le sol, et il les chargeait sur les navires de retour, après en avoir converti une partie en madriers et en merrain.

« D’Aulnay se consacra plus spécialement à l’installation des colons et aux travaux de la culture ; c’était lui qui veillait à l’approvisionnement de toutes ces familles, lesquelles furent défrayées de tout, pendant les premières années, tant au moyen des subventions premières fournies par le gouvernement que sur les propres ressources de M. de Razilly et de la société dont il était le représentant. Il les guidait dans leurs défrichements et leurs travaux, rassurant les uns, modérant les autres, encourageant et soutenant tout le monde ;

  1. Voir le présent ouvrage, tome III, 43, 56, 148-148.