Page:Sulte - Histoires des Canadiens-français, 1608-1880, tome IV, 1882.djvu/52

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
39
HISTOIRE DES CANADIENS-FRANÇAIS

« La compagnie fera seule à l’exclusion de tous nos autres sujets, qui n’entreront en icelle, tout le commerce et navigation[1] dans les dits pays concédés pendant quarante années ; et à cet effet nous faisons défense à tous nos dits sujets, qui ne seront de la dite compagnie, d’y négocier à peine de confiscation de leurs vaisseaux et marchandises, applicables au profit de la dite compagnie, à la réserve de la pêche[2], qui sera libre à tous nos dits sujets.

« Et pour donner moyen à la dite compagnie de soutenir les grandes dépenses qu’elle sera obligée de faire pour l’entretien des colonies et du grand nombre de vaisseaux qu’elle envoyera aux dits pays concédés, nous promettons à la dite compagnie de lui faire payer pour chacun voyage de ses dits vaisseaux qui feront leurs équipements et cargaisons dans les ports de France, iront décharger et rechargeront dans les dites îles et terre ferme où les colonies françaises seront établies, et feront leur retour dans les ports du royaume, trente livres pour chacun tonneau de marchandises qu’ils porteront dans les dits pays, et quarante livres pour celles qu’ils en rapporteront et déchargeront, ainsi qu’il est dit, dans les ports du royaume ; dont, à quelque somme que chaque voyage se puisse monter, nous lui avons fait et faisons don, sans que pour ce il soit besoin d’autres lettres que la présente concession ; voulons et ordonnons que les dits sommes soient payées à la dite compagnie par le garde de notre trésor royal sur les certifications de deux des directeurs, et passées dans ses comptes sans aucune difficulté[3].

« Les marchandises qui auront été déclarées pour être consommées dans le royaume, et acquittées des droits d’entrée et que la compagnie voudra renvoyer aux pays étrangers, ne payeront aucuns droits de sortie, non plus que les sucres qui auront été raffinés en France, dans les raffineries que la compagnie fera établir, lesquels nous déchargeons pareillement de tous droits de sortie, pourvu qu’ils soient chargés sur des vaisseaux français pour être transportés hors du royaume[4]

« Appartiendront à la dite compagnie, en toute seigneurie, propriété et justice[5], toutes les terres qu’elle pourra conquérir et habiter pendant les dites quarante années en l’étendue des dits pays ci-devant exprimés et concédés, comme aussi les îles de l’Amérique appelées Antilles, habitées par les Français qui ont été vendues à plusieurs particuliers par la compagnie des dites îles formée en 1642, en remboursant les seigneurs propriétaires d’icelles des sommes qu’ils ont payées pour l’achat, conformément à leurs contrats d’acquisition, et des améliorations et augmentations qu’ils y ont faites, suivant la liquidation qu’en feront les commissaires par nous à ces députés, et les laissant jouir des habitations qu’ils y ont établies depuis l’acquisition des dites îles.

« Tous lesquels pays, îles et terres, places et forts, qui pourront y avoir été construits

  1. La compagnie des Habitants et tous les Canadiens perdaient ainsi la liberté du commerce.
  2. Cette réserve existait au Canada depuis au moins vingt ans.
  3. Les privilèges de ce genre accordés par Louis XIV à la marine française donnèrent l’éveil à la Hollande et furent le point de départ des difficultés qui amenèrent la guerre de 1671.
  4. Les tarifs différentiels établis à cette époque enrichirent la France.
  5. C’est le régime du gouvernement propriétaire, qui recommence après un an de suspension.