Page:Sulte - Histoires des Canadiens-français, 1608-1880, tome V, 1882.djvu/27

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
12
HISTOIRE DES CANADIENS-FRANÇAIS

L’été de 1660, Chouart et Radisson étaient de retour sur le Saint-Laurent. Au commencement de septembre, le supérieur des jésuites, revenant des Trois-Rivières à Québec, écrivit les lignes suivantes : « Je trouvai deux Français qui ne fesaient que d’arriver de ces pays supérieurs avec trois cents Algonquins (les Outaouais)… Ils ont hiverné sur les rivages du lac Supérieur et ont été assez heureux pour y baptiser deux cents petits enfants[1]. Nos deux Français firent pendant leur hivernement diverses courses vers les peuples circonvoisins. Ils virent, entres autres, à six journées au delà du lac Supérieur vers le sud-ouest, une peuplade composée des restes des Hurons de la nation du Petun, contraint par l’Iroquois d’abandonner leur patrie. Ces pauvres gens ont rencontré une belle rivière, grande, large, profonde et comparable, disent-ils, à notre grand fleuve Saint-Laurent. Ils trouvèrent sur ses rives la grande nation des Alini8ek[2] (Illinois) qui les reçurent très bien. Cette nation est composée de soixante bourgades, ce qui nous confirme dans la connaissance que nous avons déjà de plusieurs milliers de peuples qui remplissent toutes ces terres du couchant. Nos deux Français continuant leur ronde, furent bien surpris en visitant les Nad8ecki8ec (Sioux)… Ils ont visité les quarante bourgades dont cette nation est composée, dans cinq desquelles on compte jusqu’à cinq mille hommes… Ce peuple nous attend, depuis l’alliance qu’il a faite tout fraîchement avec les deux Français qui en sont revenus cet été.[3] » Ne doit-on pas conclure que Chouart et Radisson[4] connurent le haut Mississipi en 1659, si toutefois ils ne l’avaient pas visité dès 1654 ? — car il est évident qu’ils ne pouvaient avoir des rapports avec les Illinois et les Sioux sans traverser ce fleuve ou en suivre les rives.

Dans l’été de 1660, après le retour des deux voyageurs, huit Français se mirent en route pour les pays de l’ouest. Avec eux étaient le père Ménard, et un serviteur du nom de Jean Guérin[5], qui se rendirent d’abord à Chagouamigon, puis à cent lieues dans le pays des Sioux comprenant un territoire qui forme aujourd’hui presque tout le Wisconsin et l’Iowa. L’année suivante, tous deux périrent au cours d’un voyage entrepris dans la direction de l’ouest. La Relation dit que le père Ménard est le prêtre qui s’était le plus approché des mers de la Chine à cette date. Les Français partis avec eux retournèrent à Québec en 1663.

On se fera une idée de la persistance qu’apportaient les Iroquois à détruire les dernières familles de la race huronne en se rappelant que, vers 1658, ils se mirent en devoir d’aller prendre Chagouamigon, où chacun se croyait en sûreté à cause de l’éloignement de ce poste. Au dire de Chouart, la guerre était presque partout dans l’ouest, et les Iroquois y semaient la terreur ; cette situation devait durer quarante ans.

Les Sauvages du nord et de l’ouest du lac Supérieur parcouraient habituellement l’espace comprise entre cette mer intérieure, le lac Winnipeg et la baie d’Hudson. Noël

  1. Ce passage et plusieurs autres documents que nous possédons attestent que Chouart était catholique, contrairement à ce qu’ont dit certains auteurs.
  2. Voir « l’Erratum » publié à la fin des Relations des Jésuites.
  3. Voir Relations 1660, p. 12, 27 ; 1661, p. 12. Journal des Jésuites, p. 186-7. Charlevoix : Hist. de la N.-France, I, 346.
  4. Le 18 septembre 1660, aux Trois-Rivières, Pierre Radisson fut parrain de M.-Jeanne Pellerin. Il n’était donc pas protestant.
  5. Le 15 avril 1659, aux Trois-Rivières, il avait été parrain de Marguerite, fille de Médard Chouart, et le père Ménard avait fait le baptême.