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Page:Sulte - Histoires des Canadiens-français, 1608-1880, tome V, 1882.djvu/28

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HISTOIRE DES CANADIENS-FRANÇAIS

Jérémie dit positivement que Chouart « étant dans le pays des Outaouais, poussa si loin (vers le nord) qu’il eut connaissance de la baie d’Hudson ». On ne saurait dire si la chose eut lieu durant l’expédition de 1659-60 ; la relation du père Lalemant, écrite d’après le récit de Chouart et Radisson ne le donne point à supposer. Charlevoix dit : « En 1660, un Algonquin, qui avait employé deux années entières à voyager dans le nord, rencontra aux environs de la baie d’Hudson quantité de ses compatriotes que la crainte des Iroquois avait contraints d’y chercher un asile. Il y trouva aussi les naturels du pays fort disposés à se joindre aux Français pour réprimer l’orgueil de cette nation qui s’était fait des ennemis de toutes les autres et qui commençait à s’approcher d’eux. Ils chargèrent même l’Algonquin de présents pour le gouverneur-général ; et ce Sauvage, qui était allé à la baie d’Hudson par le lac Supérieur, en revint par le Saguenay[1]. »

C’est par la voie du Saguenay que se proposait de passer, en 1661, une expédition commandée par Michel Leneuf de la Vallière et dont faisaient partie les pères Dablon et Druillètes, ainsi que Denis Guyon, Després-Couture et François Pelletier, mais à cause des Iroquois il fallut rebrousser chemin[2].

D’après le Journal des Jésuites, Chouart des Groseillers se serait mis en route pour la mer du nord, par le Saint-Laurent, au mois de mai 1662, avec dix hommes. Le récit de Noël Jérémie Lamontagne nous paraît très explicite : « M. de Groiseliez étant avec nos sauvages de Canada dans le pays des Outaouais (en 1654 ou 1659 évidemment) poussa si loin qu’il eut connaissance de la baie d’Hudson. Étant de retour à Québec (en 1660) il se joignit à quelques bourgeois, arma une barque et entreprit de la découvrir par mer (c’est l’expédition de 1662 croyons-nous). Il y réussit et alla aborder à une rivière que les Sauvages nomment Pinasiouetchiouen, qui veut dire rivière Rapide, qui n’est distante que d’une lieue de celle dont je viens de parler (la rivière appelée Bourbon ou Nelson). Il fit son établissement du côté du sud, dans des îles qui sont à trois lieues dans la rivière. Pendant l’hiver (1662-63) les rivières étant glacées, les Canadiens que M. de Groiseliez avait avec lui, gens fort alertes et agiles dans les bois, étant à la chasse, le long de la mer, à l’embouchure de la rivière Nelson, que nous nommons présentement Bourbon, trouvèrent un établissement d’Européens, ce qui les surprit fort. Ils retournèrent promptement, sans se faire découvrir, pour en donner avis à leur commandant, qui ne manqua pas aussitôt de faire armer tous ses gens et de se mettre à leur tête pour savoir ce que c’était. Ils firent leur approche, et ne voyant qu’une petite mauvaise chaumine, couverte de gazon, et trouvant la porte ouverte ils y entrèrent les armes à la main et y trouvèrent six matelots anglais qui mouraient de faim et de froid. Ils ne se mirent point en défense, au contraire, ils s’estimaient fort heureux de se voir prisonniers des Français puisque, par ce moyen, ils avaient leur vie en sureté. Ces six matelots avaient été dégradés par un navire qui avait armé à Boston, dans la Nouvelle-Angleterre, et qui n’avaient

  1. Voir Relation de 1660, p. 12 ; La Potherie : Hist. de l’Amérique Septentrionale II, 280 ; Charlevoix : Hist. de la Nouvelle-France, I, p. 345.
  2. Tômes III, p. 153, IV, 148