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HISTOIRE DES CANADIENS-FRANÇAIS

Rien de plus. Sa vie était en danger, mais la nourriture ne lui manquait jamais.[1] Il en est de même pour le tarif des marchandises, années 1663-1664, qui a été regardé par M. Parkman comme abusif et que nous avons expliqué aux pages 39, 42, 46 du présent ouvrage, tôme iv.

Le malaise du pays en général était si grand par suite de la triste administration des Cent-Associés que, dans les années 1663-1664, il y eut à Québec plus de quatre cents procès de tous genres, aussi comprend-on que le roi et Colbert, en 1665, dans leurs instructions à l’intendant, aient insisté à plus d’une reprise, sur la nécessité de faire accorder les parties sans plaider, ou lorsqu’il fallait recourir à ce moyen, d’éviter les frais et les litiges prolongés. Généralement ceux qui en appellent aux tribunaux sont des hommes du commerce — c’était le cas ici, à l’exception de quelques habitants.

La compagnie des Indes prit naissance au mois de mai 1664. Dès l’automne de 1665, des représentations étaient adressées au roi montrant que ce monopole serait préjudiciable au pays, car outre les prétentions exagérées de la compagnie, les habitants avaient protesté en masse contre la suppression de la liberté du commerce.[2] Ces plaintes furent un instant écoutées. Au mois d’avril 1666, le commerce avec les Sauvages et la France devint à peu près libre ; on laissa à la compagnie des Indes le droit du quart sur les castors, du dixième sur les orignaux et la traite de Tadoussac.[3] Le produit de cette taxe passait donc aux mains de la compagnie, laquelle à son tour, devait verser une somme fixe au trésor pour défrayer les dépenses publiques ; s’il restait un résidu, la compagnie en profitait. Pourquoi n’avoir pas de suite amené le produit de la taxe à Québec, sans passer par un intermédiaire ? L’abus, ici, est flagrant.

Le 17 octobre 1667, le conseil approuva un projet tendant à l’établissement d’une compagnie des Habitants pour faire le négoce à l’exclusion de tous autres. Cette mesure ne paraît pas avoir été exécutée. Elle n’eût fait qu’ajouter aux inconvénients ordinaires des monopoles. De Maistre définit le monopole : Privilége exclusif donné à une compagnie de mal faire.

La traite du nord et celles des Outaouais formaient avec les opérations dirigées à Tadoussac, les trois sources où puisaient les compagnies, petites ou grandes, et les particuliers engagés dans ce genre de trafic. L’argent devenant plus commun, chaque colon se voyait libre d’acheter aux magasins qui lui convenaient.[4]

Depuis 1632 jusqu’à 1666, nous nous sommes appliqué à faire voir que la clef de la situation de la colonie était chez le cultivateur, l’habitant. Le commerce, placé à part, formait comme un autre élément qui eût pu contribuer beaucoup à la prospérité générale, mais qui ne le fit point.

Les seigneurs, Giffard, les sulpiciens, Le Gardeur, Leneuf, Juchereau, etc., agissaient

  1. La Revue de Montréal, 1879, a publié d’excellents articles de M. J.-C. Langelier sur cette question.
  2. Voir le présent ouvrage IV, 39, 43.
  3. Présent ouvrage, tomes III, 40, 58 ; IV, 28.
  4. Présent ouvrage, III, 105, 106, 110 ; IV, 18, 19, 30, 45, 47.