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HISTOIRE DES CANADIENS-FRANÇAIS

Saint-Ours deux lieues sur le Saint-Laurent à commencer quatre arpents au-dessous de la rivière Deschènes en montant le long du fleuve et deux lieues de profondeur. Ce fief (Saint-Jean d’Eschaillons) avait été donné à Talon qui se désista de son droit en faveur de M. de Saint-Ours. Le 16 mai, à Mgr de Laval « cinq lieues de face sur cinq lieues de profondeur sur le grand fleuve Saint-Laurent[1] environ quarante-deux lieues[2] au-dessus de Montréal, à prendre depuis le sault de la Chaudière, vulgairement appelé la Petite-Nation, en descendant le fleuve sur le chemin des Outaouais.[3] » La seigneurie de la Petite-Nation est voisine de celle de Grenville, une quinzaine de lieues plus bas que la Chaudière. Le 15 juillet, à M. de la Durantaye, deux lieues au-dessus de la rivière appelée Kamouraska et une lieue au-dessous, icelle comprise, avec deux lieues de profondeur. Le 17 août, au sieur André Jaret, sieur de Beauregard, trois « îles dont l’une est au devant du bout de la seigneurie du sieur de Verchères, en montant, et les deux autres étant sur la ligne qui regarde les îles appartenant au sieur de Grandmaison. » Le 23 août, à Joseph Godefroy, sieur de Vieuxpont, les terres situées entre la troisième et la quatrième rivières, banlieue des Trois-Rivières. C’est le fief Vieuxpont.

Le relevé officiel de 1675 porte la population de la Nouvelle-France à sept mille huit cent trente-deux âmes, et celui de 1676 à huit mille quatre cent quinze. En consultant ces chiffres, Louis XIV exprimait sa surprise de les voir si faibles « vu, écrivait-il (15 avril 1676) le grand nombre de colons que j’ai envoyés depuis quinze ou seize ans ; on a dû omettre un grand nombre d’habitants. » Il est très possible que les coureurs de bois n’aient point été inscrits dans ce rapport, mais le roi fait erreur en disant qu’il avait envoyé grand nombre de colons depuis une quinzaine d’années, car on ne peut raisonnablement lui accorder ce crédit que de 1665 à 1673. Au moment où il traçait ces lignes, Louis XIV était sous l’empire du découragement que lui faisait éprouver sa politique européenne. La guerre de Hollande, ouverte en 1672 sous des auspices favorables, avait tournée à son détriment au bout de quelques mois. Guillaume d’Orange, son plus constant ennemi, venait de surgir et, avec une habileté étonnante, il avait uni contre la France les grandes nations du continent. Condé, se tenait à l’écart, depuis 1674 ; Turenne venait d’être tué (1675) : la faiblesse des généraux français ; le vide du trésor ; le ralentissement du commerce par suite de la guerre — tout contribuait à diminuer le prestige du monarque dont l’ambition démesurée avait produit ces revers de fortune. D’ailleurs le Canada, privé de Talon, ne comptait plus personne pour rappeler à la cour les projets dont il avait été l’inspirateur ou l’instrument généreux. « Il est certain, dit M. Rameau, que, à partir de 1675, on ne trouve plus dans les actes du gouvernement français le zèle qu’il avait montré précédemment pour le Canada. Plus de sollicitude active, plus d’envois de colons, à peine quelques recrues pour les troupes, et un abandon de plus en plus prononcé de la colonie à sa propre faiblesse. » Ce qui sauva le pays de la ruine

  1. L’Ottawa était encore regardé comme le haut du Saint-Laurent. Voir le présent ouvrage, tome I, p. 29.
  2. Cette mesure correspondrait à la chûte de la Chaudière, située entre les villes de Hull et Ottawa.
  3. C’est-à-dire l’Outaouais ou l’Ottawa, par où les Outaouais, venant des grands lacs, descendaient à Montréal.