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HISTOIRE DES CANADIENS-FRANÇAIS

Anglais et leurs alliés les Iroquois, Perrot balançait dans l’ouest les influences nombreuses qui militaient contre ses compatriotes. Il sut enrôler les sauvages et les conduire jusque sur le Saint-Laurent pour soutenir la guerre contre les Iroquois. Le récit de ses aventures remplirait un volume. Ayant été malheureux dans son commerce du côté de la baie Verte et se voyant ruiné, il tourna de nouveau ses regards vers le pays des Sioux, et partit, en 1687, avec de nouvelles marchandises, à la tête d’une quarantaine de Français, porteur des instructions de M. Denonville. En 1690 il conduisit une nouvelle expédition plus considérable. Nous constatons la présence de Perrot dans le Bas-Canada presque tous les ans de 1670 à 1700, et comme durant cette période il ne cessa d’être en rapport direct avec les nations de la baie Verte et du Mississipi, on voit qu’il a mérité par excellence le titre de voyageur qu’on lui a toujours décerné. Il paraît s’être détaché de cette vie errante en 1701, au grand regret des nombreuses tribus qu’il avait en quelque sorte gouvernées. Au moment il prenait ainsi sa retraite Perrot, ruiné derechef, était en butte aux tracasseries de ses créanciers. Il intenta un procès à M. de Monseignat, et à des marchands de Montréal, et le perdit avec dépens ; de plus, un incendie ayant ravagé son magasin, et s’étant conduit avec trop de prodigalité à l’égard des sauvages, il soutenait que le gouvernement de la colonie était tenu en honneur de lui rembourser certaines sommes. L’intendant ne voulut pas l’écouter, tout en reconnaissant que Perrot avait dépensé beaucoup d’argent et qu’il se trouvait dans la situation la plus misérable. Ses enfants à cette époque (1702) étaient mariés et pouvaient à la rigueur l’empêcher de mourir de faim. S’étant donc fixé à Bécancour, d’où sa famille n’avait pas bougée depuis trente ans, il y fut nommé « capitaine de la côte, » ce qui, outre l’honneur de la charge lui procurait quelques honoraires, puisque les officiers de milice étaient revêtus « d’une espèce de caractère qui les distinguait des autres habitants et leur donnait plus d’autorité. » On les employait pour porter les ordres du gouvernement et ils touchaient cent francs. Les seigneurs et les juges locaux leur confiaient les fonctions d’huissiers. Nous le voyons instrumenter de la sorte en 1710. Quelques années plus tard, il figure comme parrain avec madame la baronne de Bécancour. À sa mort survenue le 13 août 1717 il est dit âgé de soixante-et-quatorze ans. Sa femme mourut à Bécancour également, en 1724, à soixante-et-quatorze ans. Perrot a laissé des Mémoires extrêmement curieux sur les pays qu’il a parcourus, les mœurs et coutumes des sauvages, et la vie des Français dans ces contrées lointaines.

Ce voyageur célèbre n’a pas acquis la fortune et a dû contribuer autant que personne à dépeupler le bas Canada pour lancer la jeunesse dans les courses aventureuses où elle s’est distinguée pendant plus d’un demi siècle. Son mérite est d’avoir contenu les sauvages dans l’obéissance française.

En dépit des ordonnances, le nombre des coureurs de bois augmentait. L’automne de 1680, M. Duchesneau écrivait au ministre que huit cents hommes avaient de cette façon déserté la colonie. « Je pense, ajoute-t-il, qu’après toutes les pièces convaincantes que je vous ai envoyées de ce qui m’avait fait croire que monsieur le gouverneur donnait sa