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Page:Sulte - Histoires des Canadiens-français, 1608-1880, tome VI, 1882.djvu/140

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HISTOIRE DES CANADIENS-FRANÇAIS

construit des maisons sur les branches du Potomack, sous le prétexte de chercher des mines » et avoir tenté de se rendre populaires parmi les Conestogas. Pierre Bisaillon se prévalut d’un titre de terre en bonne forme dans le comté de Lancaster, qui abonde en mines et dont quelques-unes ont été ouvertes en effet à cette époque. Plus tard, les Anglais tirèrent partie de ces exploitations et de l’outillage abandonné par les Canadiens. Les Conestogas n’étaient pas nombreux, mais ils se donnaient de l’importance et occupaient les gouverneurs autant que les grandes tribus. Ils habitaient le voisinage de la ville de Lancaster aujourd’hui. À les en croire, ils étaient travaillés par les Canadiens qui désiraient les détacher de l’Angleterre. Bisaillon avec ses parents et amis, avaient sans cesse des pourparlers pour maintenir la paix entre eux et les autorités pennsylvaniennes. Le gouverneur de l’État, M. Evans, leur fit, en 1707, une visite solennelle, accompagné de Michel Bisaillon. Ils rencontrèrent sur leur route le traiteur Martin Chartier, habitant des environs, et l’amenèrent. Un peu plus loin, Nicolas Godin, qui parcourait le pays à la recherche des mines et qui se trouvait assez près de l’habitation de Pierre Bisaillon, parut suspect à Evans qui le fit prendre par Martin Chartier et conduire à la prison de Philadelphie. Pierre Bisaillon donna de précieux renseignements au gouverneur touchant les divers peuples sauvages réunis aux conférences et il servit d’interprète officiel. Cela avait lieu quatre mois après l’accusation mentionnée plus haut. La femme de Bisaillon agissait aussi comme interprète entre les sauvages et les Anglais. On cite les égards que lui témoignaient les gouverneurs. Malgré leurs services, des concurrents malheureux continuèrent de nuire à ce couple intéressant. « Pierre Bisaillon et Jacques Le Tort, Français et catholiques, trafiquant avec les sauvages à Conestoga, furent accusés, en 1709, d’avoir prononcé quelques paroles suspectes et commis certains écarts. » On contraignit encore Bisaillon à faire une déclaration de bonne conduite future envers la reine Anne ; il n’en demeura pas moins quelques temps en assez mauvaise odeur comme sujet britannique, et peu de temps après, ayant fait savoir au gouverneur que les Conestogas désiraient le rencontrer pour resserrer les liens de leur amitié réciproque, ce fonctionnaire ne crut pas prudent d’accepter l’invitation avant que de rendre son conseil responsable de la confiance que l’on placerait dans Bisaillon si l’on accédait à la demande des chefs sauvages. L’entrevue eut lieu. En 1711, voilà que Bisaillon est repincé ; simple affaire d’ivresse et de conduite tapageuse, cette fois. Il fut libéré sous sa propre caution de cinq cents louis et sur celles de deux amis qui s’engagèrent chacun pour deux cent cinquante louis, en attendant la session de la cour ; l’accusé s’obligeait, dans l’intervalle, à ne point quitter Philadelphie. Le chiffre des cautionnements fait juger de l’importance que les autorités attachaient à sa personne. Rien n’indique qu’il dut souffrir préjudice de cette dernière aventure, car l’année suivante, il adressa un mémoire au gouverneur concluant à ce qu’il lui fut accordé « la permission de traiter avec les sauvages comme ci-devant, » ce qu’il obtint sur le champ. C’est en 1714, finalement, qu’il reçut du bureau des terres une patente l’autorisant « à s’établir à Pashtang, sur la Susquehanna, et d’ériger en ce lieu les bâtiments nécessaires et d’enclore et de mettre en culture le terrain qu’il jugera à propos d’exploiter, pourvu que les sauvages y consentent. »