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Page:Sulte - Histoires des Canadiens-français, 1608-1880, tome VI, 1882.djvu/141

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HISTOIRE DES CANADIENS-FRANÇAIS
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Ses amis de la forêt n’y mirent pas d’obstacle. Trois ans plus tard, sir William Keith, le nouveau gouverneur de la Pennsylvanie, désireux de se concilier l’esprit des indigènes, alla les visiter en leur conseil de Conestoga ; Bisaillon remplit en cette circonstance son devoir d’interprète de manière à s’attirer des éloges ; en 1720 la même cérémonie eut lieu sur les bords de la Susquehanna. Enfin, vers 1723, voulant soustraire à tout prix les sauvages à l’influence française, il fut décidé que l’on ne tolérerait plus les établissements de la région divisée aujourd’hui en deux comtés : Lancaster et Dauphin. Pierre et Richard Bisaillon disparurent d’abord du côté de l’Ohio. Martin Chartier passa dans le comté de Washington (Pennsylvanie) où les Bisaillon le rejoignirent et fondèrent des postes permanents. Pierre tenta de revoir la Susquehanna pour y traiter ; sa trace se perd en ce moment. Les terrains, qu’il avait défrichés furent repris (1733) par les nommés Harris et Chambers, ainsi, que les mines. Le Tort, interprète et messager du gouvernement, fut le premier homme de race blanche qui pénétra dans la riche vallée de Cumberland (Pennsylvanie) pour s’y établir. C’était en 1720. Il érigea des bâtiments, entourés d’une palissade, près des sources sulphureuses qui portent encore de nos jours le nom de Letort’s Springs. Cette première résidence, déplut aux sauvages, qui y mirent le feu, mais le hardi pionnier la releva de ses cendres. En 1735 son installation avait donné naissance à une bourgade qui devint la ville de Carlisle quinze ans plus tard.

L’histoire de Bisaillon et Le Tort est celle d’une foule de coureurs de bois de ces temps agités. Leur présence aux confins, ou plutôt en dedans des limites des provinces anglaises, le rôle qu’ils ont joué en rapport avec les sauvages et les blancs sédentaires, les exploits de plusieurs d’entre eux, tout s’est réuni pour frapper l’imagination des Américains et des Européens à leur sujet. Les héros du désert, décrits par Châteaubriand, Fenimore Cooper et tant d’autres romanciers, Jules Verne compris, sont des Canadiens. Grâce à ces auteurs, le mot « Canadien » signifie uniquement trappeur, canotier, coureur de bois, découvreur, interprète, car c’est ainsi que la littérature nous a fait connaître dans le monde entier — c’est-à-dire autrement que nous ne sommes ; toutefois on ne peut méconnaître que cette légende est basée sur des faits véritables et nombreux dont la date par exemple aurait besoin d’être expliquée aux lecteurs.

Dans le cours des longues difficultés entre lord Baltimore, du Maryland, et les gouvernements de la Pennsylvanie, une bande de Canadiens s’était faite partisan du lord, en raison de ce qu’il se montrait bon catholique. Quant à l’état de New-York, nos gens y commerçaient, voyageaient et demeuraient comme chez eux, ou à peu près, malgré ou plutôt à cause des défenses et des menaces de châtiments de la part des gouverneurs de Québec. L’espèce de dénationalisation qui s’en suivit, procura aux Anglais des interprètes, des guides, des voyageurs, selon le terme consacré, qui les menèrent aux rivages des grands lacs et au bord du Mississipi.

Le réseau des postes militaires qui commençait à Cataracoui pour envelopper les lacs, couvrir les Illinois, la contrée des Sioux et joindre la Louisiane en suivant le cours du