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HISTOIRE DES CANADIENS-FRANÇAIS

que le fleuve forme, environ à deux cents lieues de sa source. C’est à la gauche en descendant[1] qu’à ( ?) la sortie du lac Outran,[2] une petite rivière dont l’eau paraît à la vue rouge[3] comme le vermillon. Les Sauvages en font une grande estime. C’est du même côté de ce fleuve, bien plus bas,[4] qu’est une petite montagne dont les pierres brillent[5] la nuit comme le jour. Les Sauvages l’appellent la demeure de l’Esprit.[6] Personne n’ose en approcher. Cette espèce de montagne et la rivière rouge (où il se trouve, par endroit, un sable fort fin, couleur d’or) semblent quelque chose de précieux à toutes les nations des environs. Comme je vais rapporter ce que j’ai appris de nouveau, cette année 1729,[7] par rapport au pays dont je viens de parler, je finis sur les autres particularités que j’ai apprises l’an passé, pour les rapporter plus au net sur le témoignage de nouveaux Sauvages qui ont parcouru la même rivière. N’ayant rien négligé depuis l’automne dernier[8] que je suis arrivé au poste du nord[9] pour avoir le plus qu’il me serait possible de connaissance sur le beau et grand fleuve[10] qui descend au couchant du soleil et la route qu’il faut tenir pour s’y rendre, j’ai eu soin aussi de m’assurer d’un Sauvage capable d’y conduire un convoi, en cas que, sous le bon plaisir de Sa Majesté, vous vouliez bien m’honorer de vos ordres pour en faire la découverte, et voici ce que je puis assurer comme certain sur les nouvelles[11] connaissances que j’ai eues : — Les Sauvages des terres,[12] pour la plupart, ont connaissance de ce fleuve. Les uns en parlent pour y avoir été, les autres par ouï dire, et tous conviennent dans leur narré. Il vint, l’automne dernier, des Cris avec des gens des terres au fort Camanistigouïa. Tacchigis, qui est le chef des Cris, me dit alors qu’il avait été jusqu’au lac du grand fleuve de l’ouest et plusieurs fois. Il me fit ensuite le même récit que les autres m’avaient déjà fait. Je lui demandai s’il n’avait point de connaissance d’autre grande rivière ; il me répondit qu’il en connaissait plusieurs, mais que celle qui va à l’ouest passait toutes les autres par sa largeur. Me faisant ensuite l’explication des plus grosses rivières qu’il avait vues d’une hauteur des terres qui va au sud-ouest, il me dit que quatre grandes rivières y prennent leur source, dont l’une, descendant au nord jusqu’au lac du grand fleuve de l’ouest, prend ensuite sa route vers l’ouest à la décharge du lac ; l’autre, prenant son cours au nord-est, tombe dans une rivière qui, allant à l’ouest-nord-est, se décharge dans le même lac. Le troisième, courant d’abord au sud-est et suivant ensuite le sud, va chez les Espagnols. La quatrième, courant entre les

  1. Descendant la rivière Winnipeg pour atteindre le lac Winnipeg, on a à sa gauche la rivière Rouge.
  2. Faut-il lire Winnipeg ?
  3. Première mention de la rivière Rouge, sous ce nom.
  4. Bien plus bas, c’est-à-dire beaucoup plus au couchant.
  5. Ce doit être une mention, assez vague d’ailleurs, des montagnes Rocheuses.
  6. Comme dans les narrations de Jacques Cartier et de tant d’autres voyageurs, le merveilleux se mêle dans ce mémoire à des faits réels que le lecteur appréciera.
  7. La Vérendrye aurait donc écrit ce qui suit en 1729.
  8. Automne de 1728, après avoir pris congé du père de Gounor à Michillimakinac.
  9. Nipigon.
  10. C’est la série de lacs et de rivières qui vont de la baie du Tonnerre au lac Winnipeg. Certaines cartes de cette époque en font les sources du Saint-Laurent.
  11. Ce qui montre bien que ceci est une suite du mémoire de 1728.
  12. Ces Gens des Terres, comme on les appelait, habitaient au nord, entre le lac Winnipeg et le lac Nipigon. Ils commerçaient avec les Têtes-de-Boule que La Vérendrye avait dû connaître sur le Saint-Maurice.