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HISTOIRE DES CANADIENS-FRANÇAIS

duisent à la grande rivière de l’ouest. En conséquence, je me suis fait tracer la carte de ces trois rivières, afin de pouvoir choisir le chemin le plus court et le plus aisé. J’ai l’honneur, monsieur, de vous envoyer cette carte[1] telle que Chagah me l’a tracée. Des trois rivières qui tombent dans le lac Supérieur, savoir : celle qu’on nomme la rivière du fond du lac ; celle de Nantuagan ; et celle de Gamanissigouïa, les deux dernières sont celles où tout se trouve plus exactement marqué dans la carte. Les lacs, les rapides, les portages, le côté dont il faut faire ces portages, les hauteurs de terre, tout cela y est représenté ou indiqué. De ces deux routes, la rivière de Nantuouagan,[2] qui est à deux journées de la rivière de Camanistigouïa n’en a que vingt-deux, mais aussi, elle n’a point de rapides et l’autre en a douze, dont il y en a deux qui sont longs et fort plats. D’ailleurs, le chemin est droit et d’un tiers plus court ; la hauteur des terres par cette route, n’est que de cinquante lieues,[3] et au bout soixante et dix au plus on va toujours en descendant.[4] Enfin, malgré tous ces portages, le Sauvage m’assure qu’à marcher doucement nous arriverons du lac Supérieur à celui de Tékamamihouen,[5] en vingt jours au plus tard, et de là, en quatre jours, au lac des Bois[6] pour l’établissement. Il est venu ce printemps des Cris ou Christinaux qui habitent vers la décharge du lac des Bois où commence la grande rivière de l’ouest. Ces Sauvages sont la Marte-Blanche et deux autres chefs de la même nation. Ils m’ont fait la carte de leurs terres et de toutes celles dont ils ont connaissance. C’est dans les terres qui sont sur la gauche de cette grande rivière en descendant que se trouvent les minéraux et les métaux en quantité. Parmi les métaux qui s’y trouvent, ils connaissent le plomb et le cuivre, mais il y en a une troisième sorte qui ne s’applatit point quand on la bat, mais qui casse — celle-là ils ne la connaissent point. Sa couleur blanche leur fait croire que c’est de l’argent. Suivant leur carte, que j’ai jointe[7] à celle d’Auchgah, le bas du fleuve de l’ouest, comme à l’ouest-nord-ouest, il assure qu’il y a des blancs à l’embouchure du fleuve ; qu’ils n’ont point de connaissance quelle nation ce peut-être ; que la longueur du chemin fait qu’aucun d’eux n’ose entreprendre d’y aller ; qu’il faudrait partir du lac des Bois dès le mois de mars pour en faire le voyage ; que tout ce que l’on pourrait espérer ce serait d’en être de retour au mois de novembre. Ce qu’ils en rapportent est sur des ouï dires, mais ce qui les détourne le plus d’entreprendre le voyage de la mer, c’est qu’il périt autrefois, par les glaces, à ce qu’ils rapportent, deux de leurs canots, à dix journées du lac Ouisnipigon.[8] La frayeur les retient et, d’ailleurs, ils trouvent chez les Anglais du petit nord, qui ne sont qu’à vingt jours de marche de chez eux, tous leurs besoins. Qu’iraient-ils chercher de plus à la mer de l’ouest ? Il n’y a

  1. Elle est à la bibliothèque d’Ottawa, No 93. La rivière des Groseillers est appelée Nantahavagne. En remontant à partir de l’embouchure de cette rivière on voit les lacs Long, Plat, Sasakinagu, Tekamamiouen. Le lac des Bois est tracé mais sans nom.
  2. Rivière des Groseillers. On le nomme aussi Pigeon.
  3. Cette route devait être connue des Français, car on assure qu’ils allaient par là trafiquer au lac La Croix ou la Pluie du temps même de Chouart des Groseillers (1666) qui paraît lui avoir donné son nom.
  4. Il faut lire cinquante milles.
  5. Plus tard lac la Pluie.
  6. Première mention du nom de ce lac. D’après ce que raconte La Vérendrye, il est clair que les Français ne connaissaient cette nappe d’eau que par les rapports des Sauvages.
  7. Nous ne l’avons pas.
  8. Est-ce la plus ancienne mention connue de ce nom appliqué au lac Winnipeg ?