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HISTOIRE DES CANADIENS-FRANÇAIS

Lac et le milieu de la baie du Febvre, et entre la Pointe du Lac et Grand-Pré ; la région située plus bas que la ville est la plus densément peuplée. On attribue l’état de stagnation dans lequel ce gouvernement ou district était dès lors plongé en partie à la guerre, mais surtout au grand nombre de voyageurs et coureurs de bois qu’il fournissait et aux colons qu’il envoyait dans les paroisses du gouvernement de Montréal, même jusqu’au Détroit et aux Illinois ; c’est une pratique qui s’est conservée jusqu’à présent.

« Québec, écrivait La Hontan (15 mai 1684), est partagé en haute et basse ville. Les marchands habitent celle-ci à cause de la commodité du port, le long duquel ils ont fait bâtir de très belles maisons à trois étages, d’une pierre aussi dure que le marbre. La haute ville n’est pas moins belle ni moins peuplée. Le château, bâti sur le terrain le plus élevé, les commande de tous côtés. Les gouverneur-généraux, qui font leur résidence ordinaire dans ce fort, y sont commodément logés ; c’est d’ailleurs la vue la plus belle et la plus étendue qui soit au monde. Deux choses essentielles manquent à Québec, un quai et des fortifications[1] ; il serait facile d’y faire l’un et l’autre, car les pierres se trouvent sur le lieu. Cette ville est environnée de plusieurs sources d’eau vive, la meilleure du monde, mais comme il n’y a eu personne jusqu’à présent qui entendit assez bien l’hydrostatique pour les conduire à quelques places où l’on pourrait élever des fontaines jaillissantes, chacun est obligé de boire de l’eau de puits. Ceux qui demeurent au bord du fleuve et, conséquemment dans la basse ville, ne ressentent pas la moitié tant de froid que les habitants de la haute, outre qu’ils ont la commodité de faire transporter en bateau jusque devant leurs maisons le blé, le bois et les autres provisions nécessaires. Mais si l’hiver est plus rude dans la haute ville, l’été n’y est pas si chaud ; il s’y élève un vent frais qui tempère l’ardeur du soleil ; ainsi, compensation de bien et de mal. On va de l’une à l’autre ville par un chemin assez large, un peu escarpé, et bordé de maisons des deux côtés. Le terrain de Québec est fort inégal, et la symétrie mal observée. L’intendant demeure dans un fond un peu éloigné sur le bord d’une petite rivière qui, se joignant au fleuve Saint-Laurent, renferme la ville dans un angle droit. Il est logé dans le palais où le conseil souverain s’assemble quatre fois la semaine. On voit à côté de grands magasins de munitions de guerre et de bouche. Il y a six églises à la haute ville : la cathédrale est composée d’un évêque et de douze chanoines qui sont des prêtres séculiers, vivant néanmoins en communauté comme des religieux. Leur maison, qui est fort grande, et dont l’architecture est un chef-d’œuvre, appartient au chapitre. Ces bons prêtres qui se contentent du nécessaire, ne se mêlent uniquement que des choses de l’église ; leur service est tout à fait semblable à celui de nos cathédrales de France. La seconde est celle des jésuites, située au centre de la ville. Elle est belle, grande et bien éclairée. Le grand autel est orné,

  1. En 1711, comme on craignait de voir apparaître la flotte de Walker, M. de Vaudreuil demanda à M. Berthelot de Beaucour de prendre des mesures pour fortifier Québec, sur quoi cet officier, tirant son épée, dit qu’il n’y avait pas d’autre parti à prendre que d’aiguiser les armes blanches, car il était trop tard pour se retrancher. Néanmoins, on ne laissa pas de se mettre à l’œuvre. L’année suivante, une redoute fut achevée, à la menuiserie près, et la maçonnerie d’une autre montée au carré ; on éleva un mur le long de la côte du Palais jusque vis-à-vis l’Hôtel-Dieu ; on commença deux bastions, ainsi qu’une courtine entre la redoute du cap Diamant et un cavalier que le sieur Dupont avait construit avant 1690, mais les choses en restèrent là parce que M. de Beaucour fut appelé à l’île Royale. M. de Catalogne prit alors la charge des ouvrages en question.