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HISTOIRE DES CANADIENS-FRANÇAIS

il fut fait gouverneur de Montréal, et M. de Ramesay commandant des troupes, se trouvèrent fort embarrassés, entre autres, M. de la Durantaye qui, tout d’un coup, prit son parti, demanda à passer en France, où il fit démission de sa compagnie, et fut fait conseiller au conseil supérieur de Québec. » C’est alors que M. de Vaudreuil acheta de Charles d’Ailleboust des Musseaux, Duluth, Daneau de Muy et des jésuites les terrains de la place Jacques-Cartier et tout l’espace compris entre les rues Saint-Vincent, Saint-Charles, Notre-Dame et Saint-Paul. En 1702 il obtint la seigneurie de Vaudreuil. La mort de M. de Callières l’appela à Québec en 1704 pour être gouverneur-général. Plusieurs années après, sa femme posa (15 mai 1723) la pierre angulaire du château Vaudreuil, un bel édifice de pierre qui faisait face à la rue Saint-Paul ou plutôt au fleuve, car en 1721 il avait acquis les lots de ce côté. Le pauvre marquis n’eut pas la satisfaction d’habiter cette demeure somptueuse ; il mourut le 10 octobre 1725. Plus tard (1763) son fils vendit la propriété à M. de Lotbinière.

Depuis que la monnaie d’or circulait en Canada, nombre d’Anglais avaient ouvert des magasins à Montréal et drainaient ce numéraire en le poussant du côté des colonies anglaises. Dès 1718, la compagnie Neyret et Gayot avait poursuivi en justice un fils du sieur You dit la Découverte qui, de concert avec les nommés de Coulonge, Messier de Saint-Michel, Mocquin et autres, étaient allés vendre des fourrures à Albany. Ils en rapportaient des articles de fabrique étrangère. Ce commerce de contrebande augmenta, et en 1729, au plus fort de la crise financière il était encore très actif.

Le séminaire de Québec avait commencé à placer des colons sur l’île Jésus, et comme les terres en sont excellentes on espérait (en 1721) de les voir bientôt toutes défrichées. Sur cent dix-neuf familles citées au recensement de l’île en 1732, un tiers venaient de Beauport et de la côte de Beaupré.

Aux environs de Chambly[1] les terres sont fort bonnes. On commença à y établir des habitants après 1713 et à garder dans le fort une garnison en rapport avec l’importance de l’endroit, car on espérait y fonder une ville qui servirait autant à couvrir Montréal que la région de la rivière Richelieu où trois cent cinquante familles se trouvaient fixées en 1723[2], dont à peu près trois cents depuis 1681. Il ne s’est pas établi sur les bords de cette rivière plus d’une cinquantaine de soldats de Carignan ; un bon nombre étaient des colons venues de Québec et le reste des Trois-Rivières ; les guerres des vingt années qui suivirent (1689-1713) diminuèrent la population de ces paroisses.

La ville des Trois-Rivières avait été entourée d’une palissade de dix-huit pieds de haut en 1692-3. Le plan de 1704 nous montre vingt-huit maisons habitées, à part l’église, les ursulines, les récollets etc. ; la carte cadastrale de tout le gouvernement de ce nom, dressée en 1709, fait voir que les terres, des deux côtés du fleuve, depuis l’île Dupas jusqu’à Sainte-Anne de la Pérade étaient toutes occupées, à l’exception de quelques petits espaces ; des blancs assez étendus existent néanmoins à la baie de la Valière, puis entre Saint-François du

  1. Au sujet de Chambly et de la contrebande, voir Édits et Ordonnances, 1489.
  2. Consultez Rameau : La France aux Colonies, 2e partie, pages 50, 293.