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Page:Sulte - Histoires des Canadiens-français, 1608-1880, tome VII, 1882.djvu/20

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HISTOIRE DES CANADIENS-FRANÇAIS

Beauharnois, on redoute beaucoup les représailles qui pourraient s’en suivre » et il insiste pour qu’on dissuade La Vérendrye de son dessein. Obligé de traîner la découverte en langueur par la nécessité de faire la traite ; forcé de subir la loi de ses fermiers ; blâmé par le ministre qui trouvait qu’il avançait lentement, La Vérendrye déploya assez de talent, d’énergie et de tact pour continuer à pousser vers l’ouest, satisfaire ses associés en leur procurant de gros bénéfices et retenir l’arrêt fatal, toujours prêt à tomber sur sa tête. Ainsi, trente ans après avoir été laissé parmi les morts sur le champ de bataille de Malplaquet, il déployait dans les solitudes du nord-ouest, une vigueur de corps et d’esprit et une grandeur d’âme que peu d’hommes célèbres dans l’histoire ont su posséder.

Une carte dressée (1750) sur les mémoires de la Vérendrye, indique le cours de la rivière des Assiliboilles, de laquelle se rapprochent beaucoup les « lacs des Prairies.[1] » Entre la rivière et les lacs est le fort la Reine.[2] Ce dernier fut élevé le 3 octobre 1738. La carte de Jefferys (1762) marque le fort la Reine au même endroit, mais le lac Manitoba prend le nom de lac des Cygnes ; l’Assiniboine est appelé Saint-Charles[3] ; la rivière Saint-Pierre[4] s’y déverse. Cette nouvelle étape complétait l’occupation du territoire de la province actuelle de Manitoba. Par l’Assiniboine, le fort de la Reine se ralliait au fort Rouge, et ce dernier communiquait, par la rivière Rouge et le lac Winnipeg, avec le fort Maurepas, ou par les terres avec l’angle nord-ouest du lac des Bois.

C’est du fort de la Reine que partirent les expéditions lancées vers les limites extrêmes des prairies de l’ouest. Pour obtenir des renseignements sur les pays où l’on ne s’était pas encore aventuré, les fils du Découvreur exécutaient de nombreuses courses, agissant en éclaireurs d’abord, ensuite servant de guide aux petites colonies qui allaient se fixer, sur les ordres de leur père, aux points de repère ainsi reconnus et désignés. « L’honneur de la découverte vers les régions les plus avancées de l’ouest appartient principalement aux fils de M. de la Vérendrye. Il avait pris pour lui la tâche plus difficile, et qui convenait mieux à son âge, de diriger l’entreprise, de surveiller la traite, de créer et d’entretenir des relations amicales avec les Indiens, de stimuler le zèle des équipeurs toujours en retard, de faire ouvrir le chemin et d’affermer les établissements qu’il avait envoyé commencer. Toujours prêt, d’ailleurs, à payer de sa personne lorsque l’occasion le demandait, les distances qu’il parcourut à pied dans des temps et dans des pays affreux, au milieu des privations, effrayeraient l’imagination d’un Européen, et c’est avec raison que ses fils pouvaient dire : « Il a marché et nous a fait marcher de manière à toucher le but, quel qu’il fût, s’il eut été plus aidé. » (Pierre Margry).

Partant du fort la Reine, à la fin de 1738, le fils aîné[5] de La Vérendye remonta la rivière Saint-Pierre, s’avança dans la direction du sud et se rendit chez les Mandanes, peuple

  1. Lacs Winnipagoes et Manitoba.
  2. Carver le place sur la rivière Bourbon.
  3. Du nom de M. de Beauharnois.
  4. Du nom de Pierre de La Vérendrye. Elle porte aujourd’hui le nom de rivière Souris.
  5. Il n’avait guère plus de vingt-cinq ans.