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HISTOIRE DES CANADIENS-FRANÇAIS

dernier point et l’Angle, le pays est généralement marécageux, mais non impraticable ; en hiver il est de facile accès. Peut-être l’Assiniboine était-elle déjà connue des La Vérendrye qui, de 1731 à 1736, avaient pu s’y rendre par terre, depuis l’Angle-Nord-Ouest, ou par eau en recherchant la direction de la rivière Rouge. Quoiqu’il en soit, on y éleva (1737) un fortin, qui se rencontre pour la première fois sur la carte dressée en 1750 d’après les mémoires de la Vérendrye[1] et marquée « ancien fort, » à la droite de l’embouchure de l’Assiniboille.

Le volume de Documents, publié en 1878 par la législature d’Ontario (p. 136 l), décrit une carte[2] à peu près semblable, jointe, dit-on, à la lettre de M. de Beauharnois du 14 octobre 1737. Ces deux pièces ont probablement été trouvées ensemble, mais elles ne s’accordent pas, comme il est facile de s’en convaincre par la désignation que la carte fournit du lac Rouge, des sources du Mississipi, du fort la Reine sur l’Assiniboine, du fort de la pointe de Bois à mi-chemin sur la rivière Rouge et par le terme « fort abandonné » appliqué au fort (Rouge) qui est à l’embouchure de l’Assiniboine, sans compter les communications entre le lac Winnipeg et la baie d’Hudson. La carte en question doit être rangée entre 1748 et 1750.

La carte de Jefferys (1762) montre le « Fort Rouge[3] abandonné, » qui paraît être sur une île, plutôt du côté gauche qu’à la droite de l’entrée de l’Assiniboine. C’est évidemment la construction de 1737. Jefferys n’ayant jamais visité les lieux, il a dû se tromper ici comme il s’est plus d’une fois embrouillé en dressant les cartes du bas Saint-Laurent. Tout nous porte à croire que le premier fort, qui devait donner naissance à la capitale du Manitoba, fut érigé à la droite de l’embouchure de l’Assiniboine. C’est, nous dit-on, une tradition conservée dans le pays et qui s’accorde avec la carte de 1750 ci-dessus mentionnée.

À la fin de l’année 1737, La Vérendrye avait donc le fort Saint-Pierre sur le lac la Pluie, les forts Saint-Charles au lac des Bois, Maurepas au lac Winnipeg, et Rouge à l’entrée de l’Assiniboine, qui formaient les pointes d’un triangle à peu près régulier. La Vérendrye continuait à s’endetter et à faire pour la gloire de la France des découvertes que le roi ne voulait point payer. De nouvelles représentations avaient été soumises au cabinet, nonobstant les fins de non recevoir opposées aux suppliques antérieures. Le 22 avril 1737, à propos du massacre du lac des Bois, le ministre écrivait à M. de Beauharnois : « Tout ce qui m’est revenu de ce qui a donné lieu à cet accident me confirme dans le soupçon où j’ai toujours été, et que je ne vous ai pas même dissimulé, que la traite du castor avait plus de part qu’autre chose à l’entreprise de la découverte de la mer de l’ouest de la part du sieur de la Vérendrye. » M. de Maurepas prêtait l’oreille aux détracteurs et paralysait les actions d’un homme qui n’avait d’excès que son dévouement et son patriotisme.

De son côté, le roi écrivait, le 10 mai 1737, à M. de Beauharnois « que si La Vérendrye cherche à venger le massacre de 1736, comme il en a annoncé l’intention au marquis de

  1. Manuscrits du père Martin, bibliothèque d’Ottawa.
  2. Elle est à la bibliothèque d’Ottawa, No 73.
  3. Dans sa carte de la Nouvelle-France, M. P. M. A. Genest place le fort Rouge du côté droit de l’embouchure de la rivière Rouge, ce qui nous semble erronné et il met le fort de la Reine à l’endroit où est aujourd’hui le fort Garry, avec cette inscription : « Établi par de la Vérendrye en 1737. » Le fort la Reine était plus loin dans l’Assiniboine et ne fut bâti qu’en 1738.