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HISTOIRE DES CANADIENS-FRANÇAIS

Joseph Lafrance, né à Michillimakinac, étant parti de la rivière Michipicoton en 1739, se rendit au lac La Pluie en compagnie des Sauvages de ces régions ; de là, chassant et pêchant tour à tour, il traversa le lac des Bois ou des Isles, qu’il décrit comme environnés de forêts magnifiques, abondant en toute sorte de gibiers. Au nord de ce lac sont les Sauvages Éturgeons. Au sud-ouest est la nation des Sioux. Passant par la rivière Winnipeg, il entra dans le lac de ce nom, vers le milieu duquel il rencontra les Cris ou Christinaux qui demeurent du côté nord-est de cette nappe d’eau. Dans le lac Winnipeg, dit-il, se décharge une rivière qui descend du lac Rouge, ainsi appelé à cause de la couleur de ses sables. On lui a rapporté que du lac Rouge sortent deux autres rivières dont une va au Mississipi et l’autre à l’ouest à travers une région marécageuse remplie de castors. La contrée à l’ouest du lac Winnipeg renferme des îlots de bois entrecoupés de marais et de prairies. Du côté Est est un beau pays plat jusqu’au pied des montagnes que séparent le cours des eaux d’avec le lac Supérieur. Entre le lac des Bois et le lac Winnipeg il y a un autre lac où demeurent les gens de l’Aigle, ainsi nommés parce que leur lac est fréquenté par quantité d’aigles. Sur le côté ouest du lac Winnipeg sont les Assiniboels des prairies, et beaucoup plus au nord les Assiniboels des bois. Au sud est la nation des Beauxhommes, située entre les Assiniboils et les Sioux. Les Cristinaux résident à l’est du lac, et, de ce côté, leurs tribus vont au nord aussi loin que les Assiniboils y vont eux-mêmes. Tous ces peuples sont nus en été, se teignent et colorent la peau en formant différentes figures et se oignent de graisse d’ours, de castor, etc., ce qui les préserve des moustiques et autres insectes que fuient ordinairement les substances huileuses. Au commencement de mars 1742 Lafrance atteignait les territoires qui confinent au poste de la baie d’Hudson (le fort York sur la rivière Nelson). Sa narration est remplis de détails curieux sur les territoires qu’il a parcourus. En arrivant au fort York, il rencontra une famille de sauvages Monsoni qui avait pris deux ans pour venir de leur pays situé entre la rivière Michipicoton et le lac la Pluie ; dans ce trajet il y a trente-six portages. Cette famille portait cent soixante peaux de castors pour la traite. Un bon chasseur sauvage peut tuer six cents castors dans une saison, mais il n’en apporte qu’une centaine pour trafiquer avec les blancs. Il nous a paru intéressant de relever ces notes sur le nord au moment où nos explorateurs vont se diriger plus que jamais vers le sud-ouest.

Nous voici arrivés à la mémorable expédition qui devait amener les premiers Européens au pied des montagnes Rocheuses. Les matériaux du bref récit qui va suivre sont empruntés à M. Margry, le seul écrivain qui ait analysé les documents sur ce sujet, restés dans les archives de France. C’est le 29 avril 1742 que le fils aîné de la Vérendrye et le chevalier, son frère, accompagnés de deux hommes, se mirent en route pour ce voyage qui dura quatorze mois. Dans la marche qui l’avait conduit chez les Mandanes, La Vérendrye avait obliqué à gauche, vers le sud-ouest. Cette fois encore, au lieu de le conduire directement à l’ouest, ses guides Sauvages persistèrent à appuyer à gauche, route qui est restée jusqu’à présent la plus commode pour une semblable expédition. Huit mois après leur départ les explorateurs se trouvèrent en présence des curieuses montagnes appelées « rocheuses » à