cause de l’effet que produisent, sur certaines parties de leurs flancs, les rayons du soleil qui les font miroiter comme des cristaux gigantesques. Pourquoi ne pas les avoir nommées Montagnes de Cristal ? Cette découverte eut lieu le premier jour de l’an 1743. On croit reconnaître la route des La Vérendrye dans la rivière à la Roche-Jaune (Yellow Stone), branche sud-ouest du Missouri qui passe dans Montana[1] et qu’on remonte fort loin.
Ils n’eurent pas la satisfaction de gravir ce haut rempart et de contempler la mer de montagnes qui se prolonge au delà. Des tribus voisines venaient de prendre les armes les unes contre les autres ; les Sauvages qui faisaient l’office de guides refusèrent de séjourner davantage dans le pays ; force fut de rebrousser chemin, après des tentatives infructueuses inspirées par le désir d’avoir une meilleure connaissance de la mer de l’ouest. Revenant par les sources du Missouri, les quatre courageux voyageurs prirent possession solennelle (19 mars 1743) au nom du roi de France, de la contrée qu’arrose ce principal tributaire du Mississipi. Le 2 juillet, même année, ils étaient de retour au fort Saint-Charles, d’où ils étaient partis. Ces quatre hommes, relégués à deux cents lieues du lac Supérieur, venaient donc de parcourir quatre cents autres lieues en pays inconnus, à travers des nations barbares, armées les unes contre les autres, et, surmontant tous les obstacles, ils étaient allés contempler la borne du monde, comme on pourrait qualifier la chaîne des Montagnes-Rocheuses, qui, dans toute la longueur du continent, nous barre le chemin du Pacifique. Soixante et cinq ans plus tard, Lewis et Clarke, accompagnés d’une troupe de soldats, équipés aux frais du congrès américain, se rendirent célèbres par cette même découverte que quatre Canadiens-Français étaient parvenus à accomplir avec leurs seules ressources, à la suite de douze années consacrées à des entreprises du même genre, dont chaque phase, chaque étape, suffisait déjà pour leur assurer une enviable renommée. Ce grand triomphe de la persévérance et du courage arrivait on ne peut plus à propos. Les plaintes réitérées contre le chef de la famille qui se sacrifiait aussi noblement pour la gloire nationale devenaient de plus en plus menaçantes.
La Vérendrye descendit à Québec cette même année 1743, pour conjurer l’orage qui grondait sur sa tête, et s’efforça de faire valoir ses droits, mais en vain. Malgré sa pauvreté et les dettes énormes dont il s’était rendu personnellement responsable, malgré les sacrifices de temps que lui et ses fils avaient faits pour la cause des découvertes, enfin malgré le succès qui venait d’immortaliser leurs travaux, le ministre fit la sourde oreille. Les accusations allaient leur train en dépit des lettres de M. de Beauharnois. Le gouvernement blâmait sans pitié et laissait dans la gêne celui qu’il eût dû couvrir de louanges, de marques d’honneur et de pensions. La Vérendrye, abreuvé de dégoût, froissé aussi peut-être par tant d’ingratitude, donna sa démission de chef de l’entreprise du nord-ouest. C’était ce que voulait la cabale. On était en 1744.[2] Son successeur, M. de Noyelles,[3] homme recommandable mais peu