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HISTOIRE DES CANADIENS-FRANÇAIS

teur temporel. Le 17 juillet 1729, Jacques des Landes, coadjuteur spirituel. En tout, vingt-sept durant ces quinze années. Aucun de ces religieux ne paraît être né en Canada.[1]

La mort de Mgr de Saint-Vallier, survenue à Québec le 26 décembre 1727, amena une crise des plus curieuses entre les partis dont se composait le clergé. M. Louis-Eustache Chartier de Lotbinière, Canadien, archidiacre, se préparait à faire les obsèques du prélat, lorsque le chapitre, conduit par M. Étienne Boullard, Français, curé de Québec, le même que nous avons vu à Beauport en 1705, prétendit que le diocèse passait, momentanément, aux mains des chanoines. Des scènes tumultueuses s’en suivirent. Il y eut appel devant le conseil supérieur ; le chapitre refusa de reconnaître ce tribunal.[2] M. de Lotbinière passa par dessus les prétentions de M. Boullard. L’évêque fut inhumé le 2 janvier. M. Étienne Marchand, Canadien, ordonné prêtre en 1731, écrivit sur ces débats un poème héroï-comique à la manière du Lutrin de Boileau ; c’est le plus ancien ouvrage d’un littérateur canadien qui nous ait été conservé.

M. Pierre-Armand Dosquet, prêtre de Saint-Sulpice, venu en Canada l’année 1721 était repassé en France (1723) et avait été sacré à Rome (1725) évêque de Samos in partibus. Il arriva à Québec le 23 août 1729, et par procuration de Mgr de Mornay, prit la charge du diocèse. Étant retourné en France (1732) il devint évêque de Québec par suite de la résignation de Mgr de Mornay (1733) et reprit le chemin de la colonie en 1734.

Charlevoix nous dit que de son temps (1720) l’île d’Orléans comptait « six paroisses assez peuplées. Ses campagnes, toutes cultivées, paraissent comme un amphithéâtre. »

M. l’abbé Joseph Navières, arrivant de France, en 1734, mit pied à terre à la rivière du Gouffre, et se rendit, avec six autres passagers, à deux lieues de là, « dans la maison d’un habitant où le curé est en pension, ayant quatre paroisses[3] à desservir successivement, ce qui l’empêche d’avoir une demeure fixe. Nous le trouvâmes, dit-il, avec un autre ecclésiastique qui, par un transport de zèle, fit demander à Monseigneur[4] de suivre ce missionnaire, quoiqu’il ne fût pas prêtre, pour s’exercer à la manière du pays et partager avec lui les fatigues apostoliques, qui sont beaucoup plus grandes dans cet endroit que dans toutes les autres cures françaises, qui n’ont ordinairement que dix lieues de longueur, pendant que celle-ci en a douze, sans compter que, dans sa largeur, il faut passer la grande rivière pour desservir une île[5] il y a plusieurs habitants dont le chef vint à notre vaisseau pour demander un prêtre à Monseigneur de la part de tous ses compatriotes, promettant de le nourrir et de l’entretenir. Ces pauvres gens me firent compassion, et si Monseigneur eût eu intention d’y envoyer aussitôt quelqu’un je me serais volontiers présenté à lui pour cette mission… Ces deux ecclésiastiques nous reçurent de leur mieux… Trois ou quatre jours après mon arrivée, Monseigneur me nomma à une des plus considérables cures qui soient dans le

  1. Voir tome VI, 69-87, les recensements de 1719-1722.
  2. Voir Garneau, Hist. du Canada, II, 115, 116, 121.
  3. L’Islet, Saint-Jean-Port-Joly, les Éboulements et la baie Saint-Paul.
  4. Mgr Dosquet, venu sur le même bâtiment que M. Navières.
  5. L’île aux Coudres, où demeuraient des colons depuis 1720. Jusqu’à 1750 elle fut desservie de la baie Saint-Paul.